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Comptes Rendus

Géodynamique
Comportement de l'oscillateur DORIS/Jason au passage de l'anomalie sud-atlantique
Comptes Rendus. Géoscience, Volume 336 (2004) no. 9, pp. 839-846.

Résumés

Nous mettons en évidence l'accélération de l'oscillateur DORIS à bord du satellite Jason lors de ses passages au-dessus de l'anomalie sud-atlantique (SAA). Lorsque cet effet n'est pas pris en compte dans les calculs de localisation géodésique des stations DORIS, les coordonnées obtenues présentent des erreurs presque linéaires dans le temps, correspondant à des vitesses aberrantes horizontales et verticales de l'ordre du m/an. Nous proposons une explication scientifique simple de ce phénomène, qui se trouve aussi confirmé par des comparaisons directes des oscillateurs Jason et TOPEX par rapport aux stations maı̂tresses DORIS à Kourou et Toulouse.

We point out an acceleration of the DORIS clock on-board the Jason satellite during passes over the South Atlantic Anomaly (SAA). When this effect is ignored in the current geodetic positioning of the DORIS stations, derived coordinates show almost linear trends in time, corresponding to anomalous horizontal and vertical velocities of the order of 1 m yr−1. We propose a simple scientific explanation of this physical phenomenon that is corroborated by direct Jason/TOPEX clock comparisons with respect to the DORIS master beacons in Kourou and Toulouse.

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DOI : 10.1016/j.crte.2004.01.004
Mot clés : géodésie spatiale, orbitographie, DORIS, anomalie sud-atlantique, SAA, Jason
Keywords: satellite geodesy, orbit determination, DORIS, South Atlantic Anomaly, SAA, Jason
Pascal Willis 1 ; Bruce Haines 2 ; Jean-Paul Berthias 3 ; Pierre Sengenes 3 ; Jean-Louis Le Mouël 4

1 Institut géographique national, direction technique, 2, av. Pasteur, BP 68, 94160 Saint-Mandé, France
2 Jet Propulsion Laboratory, 4800 Oak Grove Dr, MS 238-600, Pasadena, CA 91109, USA
3 Centre national d'études spatiales, 18, av. Édouard-Belin, 31401 Toulouse cedex 4, France
4 Institut de physique du Globe de Paris, 4, place Jussieu, 75252 Paris cedex 05, France
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Pascal Willis; Bruce Haines; Jean-Paul Berthias; Pierre Sengenes; Jean-Louis Le Mouël. Comportement de l'oscillateur DORIS/Jason au passage de l'anomalie sud-atlantique. Comptes Rendus. Géoscience, Volume 336 (2004) no. 9, pp. 839-846. doi : 10.1016/j.crte.2004.01.004. https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/geoscience/articles/10.1016/j.crte.2004.01.004/

Version originale du texte intégral

Abridged English version

We have processed the DORIS/Jason data from 15 January 2002 to 26 April 2003 using the GIPSY/OASIS software developed at the Jet Propulsion Laboratory, estimating DORIS stations coordinates. For most of the tracking stations, weekly results show good agreement with the ITRF2000 reference (typically better than 5 cm). However, as shown in Figs. 1 and 2, for some stations, all located in or nearby the South Atlantic Anomaly (SAA), coordinates show large differences with ITRF2000, changing in time almost linearly. The estimated velocities, of several tens of centimeters, are artifacts of our computation.

Fig. 1

Vitesses horizontales apparentes détectées à partir des mesures DORIS/Jason (de janvier 2002 à avril 2003).

Apparent horizontal velocities derived from DORIS/Jason data (from January 2002 to April 2003).

Fig. 2

Vitesses verticales apparentes détectées à partir des mesures DORIS/Jason (de janvier 2002 à avril 2003).

Apparent vertical velocities derived from DORIS/Jason data (from January 2002 to April 2003).

1 Proposed model

In the SAA, the geomagnetic field is much weaker and the satellite clock is sensitive to an increased level of proton radiation, causing an acceleration of the on-board clock. Usually, such effects are small and do not jeopardize the scientific results of a mission. However, in the case of the Jason/DORIS data, we will prove that this effect is important for geodetic applications.

In our computations, the increase of satellite frequency is analogous to an increase of relative velocity (using the estimated coordinates of the station):

Δf=fΔVc(1)
If we assume that the increase of the satellite frequency is symmetrical along the satellite pass over the SAA, and using a simple model of evolution in time:
Δf(α)=K sin (α)(2)
We deduce that the error on the estimated position, for a station inside the SAA, will appear only in the vertical direction, and that its amplitude can be obtained by:
Δx=KfcDaT2π= Df 2 sin (α MAX )fcDaT2π= Df sin (α MAX )fcDaT4π(3)
We then conclude that the anomalous stations velocities that we observe have been created by satellite frequency offsets of Df f0.35×10-11.

2 TOPEX/Jason clock inter-comparisons

During the Jason-1 calibration phase, the satellite flew in formation with TOPEX, leading its predecessor by 70 s and tracing out the same ground track. During this tandem flight mode, we were also able to directly compare the two satellites' frequencies by comparing estimated satellite and stations clock frequencies over the same stations. Fig. 3 shows that the major differences can be directly linked to the SAA region.

Fig. 3

Carte du monde des anomalies de fréquence de l'oscillateur DORIS/Jason (avril 2003).

DORIS/Jason oscillator frequency anomalies (April 2003).

Furthermore, if we estimate the satellite frequency increase, we can see in Fig. 4 that the problems appear at the same location (around the SAA region) and also that the increase in satellite clock frequency is compatible with our proposed model, around 10−11.

Fig. 4

Comparaisons des fréquences bord TOPEX et Jason par rapport aux stations maı̂tresses DORIS Kourou et Toulouse sur deux cycles différents (juillet 2002 et avril 2003).

Comparisons of TOPEX and Jason on-board frequencies towards DORIS master stations Kourou and Toulouse (July 2002 and April 2003).

3 Discussion and perspectives

There may be at least two ways to properly process these DORIS/Jason data for precise geodetic applications. We can either reject all data from stations observing the satellite while crossing the SAA region or we can estimate additional parameters such as satellite clock acceleration or more-frequent satellite clock drifts. Pros and cons of these methods are discussed.

4 Conclusions

In conclusion, we have shown that the first erroneous geodetic results using the Jason/DORIS data can be predicted from a simple model of satellite clock-frequency increase while crossing the SAA region. Our simple model explains the direction and amplitude of the errors in estimated station velocities.

Acknowledgements

This research was carried out at the Jet Propulsion Laboratory, California Institute of Technology, under a contract with the National Aeronautics and Space Administration.

1 Introduction

En prolongement de la mission océanographique TOPEX/Poséidon, un nouveau satellite franco-américain Jason a été lancé le 7 décembre 2001. Comme son prédécesseur, ce satellite, lancé pour des besoins scientifiques d'océanographie spatiale [7], comporte à son bord trois systèmes d'orbitographie précise : un récepteur DORIS de nouvelle génération, un récepteur GPS bi-fréquence et des rétro-réflecteurs pour la télémétrie laser. Nous nous intéressons ici aux résultats obtenus à partir des mesures du système français DORIS, tant pour l'orbitographie précise que pour la localisation géodésique des stations de poursuite au sol.

2 Localisation géodésique à partir des mesures DORIS/Jason

Nous avons traité les mesures DORIS de l'ensemble du réseau permanent à l'aide du logiciel GIPSY/OASIS II en réseau libre [9]. Pour chaque jour, entre le 15 janvier 2002 et le 26 avril 2003, nous avons estimé simultanément la position des stations DORIS ainsi que l'orbite du satellite Jason. Nous avons ensuite combiné rigoureusement les résultats journaliers de localisation, en utilisant les matrices de covariances des positions pour obtenir des résultats hebdomadaires en réseau libre [14]. Nous avons ensuite projeté et transformé [12] ces jeux de coordonnées dans l'ITRF2000 [1] en prenant soin de ne calculer les paramètres de transformation qu'à partir des stations en dehors de la région de l'anomalie de l'Atlantique sud (Fig. 1). Pour valider l'exactitude de localisation DORIS/Jason, nous avons ensuite comparé, pour chaque station et pour chaque semaine, nos résultats avec les valeurs de référence de l'ITRF2000 propagées à l'époque des mesures en fonction des vitesses. La plupart des stations montrent une cohérence avec l'ITRF meilleure que 5 cm, ce qui montre la qualité des mesures Jason, puisque l'on obtient typiquement 3 cm pour de telles solutions en utilisant deux satellites [14].

Toutefois, pour plus d'une vingtaine de stations, les résultats obtenus sont clairement aberrants, présentant des écarts croissant presque linéairement avec le temps. Les Figs. 1 et 2 montrent les résultats obtenus en planimétrie et en altimétrie. On constate que les vitesses de déplacement détectées sont très importantes (jusqu'à 1 m an−1). Ces vitesses aberrantes n'ont rien à voir avec le phénomène géophysique de dérive des plaques tectoniques, mis en évidence par DORIS [4,6]. Il s'agit plutôt d'un effet non modélisé par le logiciel, qui se fait principalement ressentir dans la région de l'anomalie sud-atlantique. En dehors de cette zone, quelques stations semblent aussi posséder des vitesses importantes. Il s'agit en fait de stations ayant trop peu d'observations et pour lesquelles la vitesse est très mal déterminée (e.g., Ajaccio) avec ces seules données DORIS.

3 Explication scientifique proposée

Dans cette partie du monde, aux alentours du Brésil, le champ magnétique est plus faible. L'oscillateur à bord du satellite est ainsi soumis à des radiations plus importantes [2,3,5]. Suivant sa sensibilité aux radiations, sa fréquence croı̂t en fonction de la dose totale de radiation reçue. Nous allons montrer que cette anomalie de fréquence, non modélisée par le logiciel, peut créer des résultats de localisation géodésique proches de ceux reportés dans les Figs. 1 et 2.

Soit fD la fréquence Doppler. Si on note f la fréquence nominale DORIS (2 GHz), V la vitesse relative entre la balise DORIS et le satellite Jason et c la vitesse de la lumière (c≈3,0×108 m), on a, par définition :

fD=-fVc(1)

Pour qu'une erreur en fréquence Δf soit assimilable à une erreur en vitesse radiale ΔV, il faut que les résidus de mesure soient identiques (fréquence réelle et position réelle par rapport à la fréquence modélisée et à la vitesse estimée) :

(fD+Δf)+fVc=fD+fV+ΔVc(2)
D'où :
Δf=fΔVc(3)

Puisque l'erreur en fréquence est positive, le logiciel va masquer le problème en estimant les paramètres de position pour que la vitesse relative entre le satellite et la station augmente (en cherchant donc à tout instant à rapprocher la station DORIS du satellite).

Nous considérons le cas général d'une station DORIS de coordonnées (hcos(i)+x, hsin(i)+y, z), qui observe un satellite dont la trajectoire au cours du temps peut s'écrire de la manière suivante (acos(α),asin(α),0) en utilisant les notations suivantes :

  • h est l'altitude de la station (h≈6,4×106 m) ;
  • i est l'angle entre le vecteur OM et le plan d'orbite (i=0 pour un passage zénithal) ;
    α[-α max ,+α max ];
  • x, y et z sont les incréments de position, qui vont être calculés par la méthode des moindres carrés.

Soit D la distance entre l'émetteur DORIS (station) et le récepteur (satellite) :

D=a cos (α)-h cos (i)+x2+a sin (α)-y2+h sin (i)+z21/2(4)
Si on assimile la différence de distance entre le début et la fin de comptage Doppler à la vitesse relative V, on a :
V=dDdt=dDdαdαdt=dDdα2πT
T est la période du satellite : T≈100 min≈6000 s.

D'où, en différenciant par rapport à l'angle α :

V=2πT-2a sin (α)a cos (α)-h cos (i)+x+2a cos (α)a sin (α)-y(2D)-1(5)

Pour appliquer les moindres carrés, il faut écrire les équations d'observation linéaires suivantes pour chaque angle α :

VxΔx+VyΔy+VzΔz=ΔV
Δx, Δy, Δz sont les inconnues du problème des moindres carrés, ΔV est l'erreur commise due à la non-prise en compte de l'effet de la SAA dans le logiciel actuel.

À partir de (5), on calcule : (6)

Considérons maintenant les deux équations élémentaires pour α et −α (symétrie par rapport au milieu du passage). On obtient le système d'équations linéaires suivant : (7)

Si on suppose maintenant que l'effet est symétrique par rapport au milieu du passage, on a :

ΔV(α)+ΔV(-α)=0

En faisant la somme des deux équations précédentes, on obtient : Δy=0.

En faisant la différence, on obtient enfin :

2πT2a sin (α)DΔx=ΔV(α)-ΔV(-α)(8)
soit, en utilisant (3) :
2πT2a sin (α)DΔx=cfΔf(α)-Δf(-α)(9)

Si on suppose maintenant que l'accélération est maximum au centre du passage (station dans la SAA) et que la différence de fréquence peut s'écrire sous la forme :

Δf(α)=K sin (α)(10)
on passe de −K à +K avec un point d'inflexion au centre du passage.

En particulier, si Df est l'accroissement total de fréquence au cours du passage :

Df =Δf(α max )-Δf(-α max )=2K sin (α max )(11)
K= Df 2 sin (α max )(12)
On voit que le système normal correspondant aux mesures symétriques par rapport au milieu du passage se résume à l'équation suivante :
2πT2a sin (α)DΔx=cf2K sin (α)
d'où l'équation normale élémentaire
Δx=KfcDaT2π= Df 2 sin (α max )cfDaT2π= Df sin (α max )cfDaT4π(13)

En sommant toutes les équations normales élémentaires, on retrouve donc toujours la même valeur, où D est la valeur moyenne de la distance sur tout le passage.

Dans un deuxième temps, si on considère l'ensemble des passages, par symétrie, l'effet ne peut avoir lieu que sur la composante verticale de la station,Δhxcos(i). La valeur moyenne est positive et en moyenne d'environ 12Δx.

Pour créer un changement de position de 0,6 m, il faut une erreur de vitesse de :

Df f=8πΔxcTaD sin (α max )(14)

D'où Df f0,35×10-11, l'erreur en vitesse relative étant donnée par l'équation (3), ce qui donne DV 1,25 mm s-1. Cette valeur est compatible avec le fait que de plus en plus de mesures sont rejetées par le filtre.

Lorsque la station se trouve à l'intérieur de la zone SAA, le satellite se trouve principalement dans la SAA. Par symétrie, l'effet sur la localisation aura lieu principalement en altitude. En utilisant l'équation (14), on montre que l'altitude estimée sera plus grande que l'altitude réelle. De plus, puisque le satellite passe régulièrement dans cette zone, la dose totale de radiation reçue croı̂t linéairement dans le temps. Ceci correspond au phénomène observé sur la Fig. 2 pour les stations d'Amérique du Sud, comme Arequipa et Cachoeira.

Pour les stations à la limite de la SAA, comme Kourou, qui se trouve au nord de cette zone, le phénomène est plus complexe. Lors des passages descendants, l'effet va être sensible uniquement dans la deuxième partie du passage, tendant à attirer la station vers le sud. Pour un passage ascendant, l'effet va être sensible uniquement dans la première partie du passage, tendant à attirer la station encore vers le sud. On voit que la combinaison des passages ascendants et descendants ne s'annule pas et tend à attirer la station vers la SAA. C'est ce que l'on constate sur la Fig. 1. Pour les stations en limite de la SAA, l'effet en altitude est de plus en plus faible. En revanche, l'effet en planimétrie est le plus important pour les stations à la limite de la SAA. Pour les stations encore plus éloignées, comme Hartebeestoech (Afrique du Sud) ou Toulouse, l'effet est dans la même direction, mais plus faible, car la station ne voit le satellite, lors de ses passages dans la SAA, que pendant un court intervalle de temps.

4 Comparaison directe des fréquences TOPEX et Jason

Dans le cas particulier du satellite Jason, il est possible d'avoir une autre confirmation de ce phénomène d'accélération de l'horloge à bord grâce à des comparaisons TOPEX/Jason. En effet, ces deux satellites volent en formation et sont suffisamment proches pour observer simultanément deux stations DORIS identiques. En comparant les fréquences satellite aux fréquences sol pour chaque station, dans un calcul d'orbitographie réalisé au Cnes avec le logiciel ZOOM [10], on peut obtenir une carte des différences observées au cours d'une période relativement longue (avril 2003). On constate bien, sur la Fig. 3, que les différences les plus importantes sont localisées autour de la zone de la SAA, comme prévu par notre modèle.

De plus, si on compare l'évolution dans le temps de ces différences de fréquence, on peut noter sur la Fig. 4 que le phénomène est très stable dans le temps (Fig. 4). Les sauts de fréquence ont lieu exactement aux mêmes endroits à la surface terrestre pendant les deux cycles (juillet 2002 et avril 2003). On peut noter que le saut en fréquence est positif (accélération) et que l'ordre de grandeur de 10−11 est compatible avec notre modèle simple.

5 Discussion et perspectives

Tout d'abord, on peut s'étonner que ce phénomène n'ait pas été détecté plus tôt sur les autres satellites du système DORIS. Pour les satellites SPOT 2, 3, 4 et 5 ainsi qu'ENVISAT, on peut penser que l'effet sera plus faible, car l'altitude de ces satellites (830 km) est différente de celle des satellites TOPEX et Jason (1300 km). En effet, à l'altitude de TOPEX et Jason, le niveau de radiation moyen est environ dix fois plus élevé que pour les autres satellites DORIS d'altitude plus basse. De plus, par rapport à Jason, l'oscillateur TOPEX se trouve peut-être mieux protégé, compte tenu de la taille et la forme de ce satellite. Enfin, ces oscillateurs ultra-stables possèdent des sensitivités aux radiations qui peuvent être très différentes de l'un à l'autre. Il est donc envisageable, mais malheureusement pas sûr, que le deuxième récepteur DORIS qui se trouve à bord de Jason se comporte différemment. Ce deuxième récepteur DORIS se trouve à bord du satellite pour des besoins de redondance et pourrait être activé en cas de panne du premier récepteur. L'oscillateur Jason est, de manière très approximative, environ 100 fois plus sensible aux radiations que les précédents oscillateurs. Ce chiffre est lui-même difficile à déterminer et dépend du type de radiation pris en compte.

La question qui se pose désormais est de savoir comment modéliser cet effet dans les calculs, ce qui n'est pas très simple, car les contours exacts de la zone d'anomalie sud-atlantique ne sont pas déterminés de manière suffisamment précise. Pour les calculs d'orbitographie précise, qui est le rôle premier de DORIS sur Jason, le problème n'est pas si important et ne dégrade pas actuellement la qualité centimétrique des résultats [8]. Grâce aux modèles dynamiques utilisés, il faudrait que les coordonnées (apparentes) des stations soient très fausses pour que cela perturbe le résultat d'orbite, typiquement au-delà du mètre et suivant certaines directions particulières, qui dépendent de la station de poursuite [11]. De plus, les traitements opérationnels rejetteraient naturellement ces mesures DORIS, ce que l'on commence à constater actuellement sur les mesures DORIS/Jason.

Pour les calculs de localisation pour la géodésie et la géophysique réalisés dans le cadre de l'International DORIS Service (IDS) [13], le problème est plus complexe, puisque l'on a vu que, dans une certaine mesure, ces effets non modélisés sont absorbables par des erreurs de localisation. Il existe actuellement au moins deux pistes de recherche très différentes : ne conserver que les bonnes mesures DORIS ou estimer des paramètres supplémentaires. Ces deux approches possèdent chacune leurs défauts. Lorsque l'on rejette les mauvaises mesures, il faut d'abord être sûr de ne pas en oublier. La première détermination de cet effet ne montrait qu'un nombre limité de stations [15]. De plus, on rejette ainsi presque 50 % des mesures, ce qui diminue l'observabilité des paramètres de position. La deuxième approche semble plus intéressante de ce point de vue. Toutefois, il faut noter que le paramètre à estimer dépend du satellite et non de la station. Il n'est donc pas possible d'estimer un paramètre d'horloge supplémentaire par station. De plus, estimer un paramètre supplémentaire diminuant l'observabilité des résultats, il est donc important de réaliser un tel calcul en utilisant simultanément toutes les mesures DORIS des autres satellites ou les autres mesures GPS et laser à bord de Jason.

6 Conclusions et perspectives

En conclusion, nous avons montré que les premiers résultats de localisation géodésique aberrants obtenus à partir des mesures DORIS étaient explicables par une augmentation de la fréquence de l'oscillateur DORIS à bord du satellite Jason, à chaque passage au-dessus de la zone d'anomalie sud-atlantique. Cet effet se cumule et croı̂t presque linéairement au cours du temps. Il est proportionnel à la dose de radiation reçue par l'oscillateur bord depuis le lancement du satellite. Le modèle simplifié que nous proposons permet de confirmer et d'expliquer l'amplitude et la direction des effets constatés sur la localisation géodésique des stations. Pour mieux prendre en compte cet effet dans les calculs de géodésie et d'orbitographie, plusieurs solutions sont envisagées.

Remerciements

Cette étude a été réalisée au Jet Propulsion Laboratory, California Institute of Technology, dans le cadre d'un contrat de recherche avec la National Aeronautics and Space Administration.


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