SOCIÉTÉ
Peut-on mesurer le travail
domestique ?
par Ann Chadeau et Annie Fouquet
Le travail domestique, lorsqu'il est accompli sans contrepartie monétaire — ce qui est la plupart du temps le cas — , n'est ni productif, ni marchand. Du point de vue de la comptabilité nationale, il ne vaut donc rien : zéro. Cependant, l'éducation des enfants, c'est-à-dire finalement la reproduction de la société, fait partie du travail domestique. De ce point de vue, il est inestimable, il vaut tout : l'infini.
Entre ces deux extrêmes, peut-on le mesurer? Le temps que le travail domestique requiert est énorme : globalement, le nombre d'heures qui y sont consacrées est supérieur au nombre d'heures passées par les actifs au travail professionnel. On s'efforce aussi dans cet article de fournir du travail domestique une évaluation monétaire. Les activités ménagères contribueraient à la valeur du PIB marchand pour un tiers ou pour les trois quarts, selon la méthode choisie. Si. l'éventail est large, la proportion est dans tous les cas considérable. )
L'importance du travail domestique est évidente pour qui s'intéresse à l'emploi du temps des Français. Cependant, sa nature très particulière l'a exclu pendant longtemps de l'analyse économique. A la suite de demandes venues d'horizons très divers, l'INSEE a effectué une étude du travail domestique, et de sa quantification monétaire. Cet article en présente quelques résultats1.
Après avoir essayé de préciser les contours du travail domestique et avoir rappelé l'importance du temps qui y est consacré, on en présentera plusieurs évaluations monétaires.
De la vaisselle à l'éducation des enfants
Et tout d'abord, qu'est-ce-que le travail domestique? On désigne généralement sous ce nom le travail accompli j dans le cadre de la famille, nécessaire au déroulement de j la vie quotidienne, dans les normes sociales actuelles. PourJ l'essentiel, ce travail est accompli sans contrepartie monétaire et par les femmes. C'est ce travail qui, par exemple, permet de transformer les achats des ménages en produits consommables (épluchage, cuisson), ou encore qui permet l'éducation des enfants (soins, nourriture, habillement, instruction) : c'est donc un travail nécessaire puisque de lui dépend la reproduction de la société.
Son contenu a évolué au cours du temps; c'est pourquoi la définition du travail domestique fait référence à la norme sociale actuelle. Il diffère aussi selon les classes sociales : le travail matériel de nettoyage constitue l'essentiel du travail domestique des femmes de la classe ouvrière; le temps consacré aux enfants augmente avec le niveau de diplôme de la mère; ou encore les invitations fréquentes de parents et d'amis, et donc les préparatifs qu'elles nécessitent, sont l'apanage des classes sociales aisées. Mais cet
* Ann Chadeau et Annie Fouquet ont réalisé cette étude au sein de la division « Concepts et définitions statistiques et comptables » du département de la Coordination statistique et comptable de l'INSEE. 1. Cet article est le résumé d'une étude qui doit paraître en novembre dans Archives et Documents.
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