FLUX
n° 31/32 Janvier - Juin
1998 pp. 13-23
Le régulateur,
le service public,
le marché et la firme
Dominique Lorrain
Dominique Lorrain, chercheur au CEMS, laboratoire du CNRS et de I 'EHESS, est un spécialiste du gouvernement des villes et de la socio- économie des services urbains. Il travaille actuellement sur l'internationalisation de ces secteurs, du point de vue des firmes (stratégies d'entreprises) et de la puissance publique (théories de la régulation).
En regardant les choses avec distance, on peut dire que dans un très grand nombre de pays l'organisation des réseaux techniques urbains relève d'une catégorie particulière, différente de l'État (avec son mode de fonctionnement administratif) et du marché (caractérisé par une plus libre action des forces économiques). En ne relevant ni de l'un ni de l'autre mais d'une forme intermédiaire, leur organisation signifie que ces activités ont été jugées trop collectives et trop importantes pour être laissées totalement à l'initiative privée mais, qu'en même temps, elles assurent des missions nécessitant une certaine souplesse ; ce qui interdit de les organiser comme des administrations.
Tout se passe comme si les infrastructures en réseaux étaient considérées comme un socle premier à partir duquel les autres activités peuvent s'exercer. Pour cela, elles doivent pouvoir être accessibles à tous, tout en répondant à des critères économiques. Depuis leur origine elles évoluent entre ces deux pôles : accès pour tous et efficacité économique.
D'un pays à l'autre, la combinaison des facteurs juridiques, politiques et institutionnels qui ont permis d'aboutir à cette construction originale peuvent varier. En général, ces systèmes, encore appelés modèles ou configurations, se sont construits dans la durée. L'hypothèse qui sous-tend ce texte est que nous entrons dans une période de mutations. Les paramètres qui définissent ces modèles de services urbains sont en train de se transformer.
Des transformations technologiques dans l'énergie et les communications ont rendu possible une distinction entre trois éléments qui étaient confondus jusqu'alors dans l'entreprise en situation de monopole : l'infrastructure, les services intermédiaires, les services finals. Les centrales électriques au gaz ou les unités de cogénération ont de meilleurs rendements que les centrales classiques ; elles induisent des organisations industrielles plus décentralisées. Dans
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