Élites européennes en formation
Les étudiants du «Collège de Bruges»
et leurs études
Virginie Schnabel
Groupe de sociologie politique européenne Université Robert Schuman, Strasbourg
SI LES ÉTUDES sociologiques sur les institutions européennes, leurs mécanismes décisionnels et les politiques publiques qu'elles développent connaissent aujourd'hui d'importants développements, les travaux sur les acteurs de cet «espace public européen», leurs origines sociales, leurs formations ou encore les qualités qui assurent le succès dans ce nouvel espace d'action sont encore très rares1. Or, ces dimensions sont cruciales pour mieux comprendre les orientations des politiques européennes, les modes de légitimation de l'action publique qu'elles véhiculent, les référentiels qu'elles mobilisent et, plus largement, leurs spécificités par rapport aux politiques nationales2.
L'objet de cet article est d'apporter quelques éléments, encore fragmentaires, pour une sociologie des élites européennes. Pour ce faire, nous nous sommes attachés à l'une des formations universitaires qui se présente, plus que toute autre, comme le lieu de la production de l'excellence européenne : le Collège d'Europe situé à Bruges. Fondé en 1949 dans le prolongement de la conférence de La Haye, financé en partie par la Commission européenne et les États membres de l'Union, le Collège s'est voulu, dès l'origine, une école «ayant pour but la formation, dans le sens européen, d'une élite de "post-graduate s"»3. L'article premier de ses statuts explique ainsi que «le Collège d'Europe a pour but la création et la gestion d'un établissement de haut enseignement scientifique, destiné à compléter la formation des étudiants dans le domaine des sciences humaines, envisagées sous la substitution d'une entité politique, économique, intellectuelle et sociale,
1. De surcroît, elles sont avant tout centrées sur les élites nationales et ne cherchent pas à faire apparaître la spécificité (éventuelle) d'élites transnationales. Voir, par exemple, Suleiman (E.), Mendras (H.), dir., Le recrutement des élites en Europe, Paris, La Découverte, 1995.
2. Sur ces dimensions, voir Mény (Y.), Müller (P.), Quermonne (J.-L.), dir., Politiques publiques en Europe, Paris, L'Harmattan, 1995.
3. Père Verleye (K.), Le Collège d'Europe : ses origines, Imprimerie Vonksteen, Belgie Langemark, opuscule publié anonymement en 1957, p. 9-10.
Politix, n°43, 1998, pages 33 à 52 33
