R. I. D. C. 2-2010

L’ÉVASION FISCALE DES SOCIÉTÉS*

Daniel GUTMANN**

La fraude fiscale ne constitue que l’une des facettes du phénomène d’évaporation des ressources fiscales des États. À côté de la fraude fiscale, entendue comme dissimulation pure et simple d’événements donnant prise à l’impôt, existe ce qu’on a coutume d’appeler l’évasion fiscale, c’est-à-dire un ensemble de techniques consistant à se soustraire à l’impôt sans pour autant heurter de front la législation fiscale. Il existe en effet de multiples moyens d’échapper à l’impôt, lesquels sont infiniment plus subtils que celui qui consiste à en cacher le fait générateur. Dans la plupart des cas, l’exercice consistant pour un contribuable à diminuer sa charge fiscale ne souffre pas la contestation. Il relève de la simple habileté, voire de la saine gestion patrimoniale. Telle personne retarde la perception d’un revenu exceptionnel jusqu’à une année ultérieure, car elle sait que ses revenus ordinaires seront alors moins élevés. Nul ne songe à lui reprocher sa prévoyance et son souci, typique d’un bon père de famille, de lisser sa pression fiscale. Tel redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune décide d’investir systématiquement en tableaux et autres oeuvres d’art pour bénéficier de l’exonération que la loi attache à ces biens : peut-on l’en blâmer, alors que la loi l’incite à procéder ainsi en créant ellemême une distinction entre actifs imposés et actifs exonérés? Telle société, anticipant une hausse annoncée de la fiscalité sur une opération donnée, se