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L’évaluation législative ou comment mesurer l’efficacité des lois1

Alexandre Flückiger
p. 83-101

Texte intégral

1. Du principe de légalité au principe d’efficacité  : une évolution des légitimités de l’action de l’état

1.1. La légitimation par la légalité

  • 1 Ce texte est une version partiellement remaniée de l’article suivant : AlexandreFlückiger, « Le dro (...)

1Le principe de légalité postule que le droit demeure la base et la limite de l’Etat (art. 5 al. 1er de la Constitution fédérale). L’activité de l’Etat est comparée à ce que la loi prescrit. En cas de congruence, l’activité est légale, et partant considérée comme légitime. En cas de divergence, elle ne l’est plus; et un Etat qui persisterait à agir hors la loi ne peut plus être compris comme un Etat de droit.

  • 2 Atias 1999, p. 277s.

2Si ce principe demeure fondamental, il présente toutefois de sérieuses limites dans nos sociétés modernes que la figure de la loi peine à régir. Le caractère obligatoire, général et abstrait de celle-ci est en effet un handicap sérieux pour diriger aujourd’hui une société démocratique, car la loi s’impose plus facilement dans un contexte pyramidale, unitaire et hiérarchique. Dans ces circonstances, le principe de la légalité peut-il toujours remplir sa fonction de légitimation démocratique ? Ne condamne-t-on pas la loi à n’exercer qu’une fonction symbolique ? En réalité, respecter le principe de légalité dans un tel contexte ne conduit au mieux qu’à une illusion de légitimité, car les valeurs sous-jacentes à ce principe (prévisibilité des décisions et des jugements opérés sur son fondement; rationalité de la loi qui anticipe la rationalité des actes individuels; principe démocratique et séparation des pouvoirs qui en est sa mise en forme institutionnelle; garantie de l’égalité de traitement) ne peuvent être garanties dans un modèle où la loi est appelée à régir des situations complexes, non reproductibles ou dominées par l’incertitude. Exiger le respect de la légalité pour le respect de la légalité peut au contraire engendrer la dangereuse illusion que, par cette simple obédience, de telles valeurs pourraient être préservées. Le mythe doit être dénoncé : « tout le droit, toute sa force et toute son autorité ont paru fonctionner sur cette unique hypothèse : la décision législative est rationnelle et, sur la prétendue raison, sur les prétendues raisons prêtées à la loi pour les besoins de chaque cause, pourrait s’élaborer une interprétation faussement fondée sur une interprétation méthodique indépendante de l’interprète et de ses opinions personnelles. L’impartialité, l’objectivité qui caractérisent toute science véritable après la révolution copernicienne auraient été atteintes, comme mythe, lorsque la détermination démocratique de la volonté générale aurait permis de paraître fonder en raison les dispositions légales et la concaténation de leurs conséquences. La dénonciation d’un tel mythe avait une signification et une portée indéniables. Elle permettait de dépeindre des intérêts inavouables s’habillant de théorie juridique, se déguisant sous des préoccupations d’orthodoxie démocratique, pour mener une action insidieuse et tricher dans la mise en œuvre des règles apparemment protectrices des plus faibles. »2

1.2. La légitimation par l’efficacité

3Pour pallier les déficiences de la légalité, l’avènement de l’Etat gestionnaire étend l’analyse en termesd’efficacité. Désormais, ce n’est plus la comparaison avec termes de la loi qui légitime l’action de l’Etat, mais c’est le différentiel mesuré entre le but visé par une politique publique (dont la loi n’est qu’une composante de mise en œuvre) et les effets observés dans la réalité du terrain. Il ne suffit plus de contrôler la conformité à des normes, mais d’évaluer les résultats atteints dans leur mise en œuvre. Le principe d’efficacité oblige ainsi à sélectionner les instruments les plus aptes à orienter le comportement des individus dans le sens voulu par le politique et d’abandonner les autres dont l’efficacité n’est pas avérée. La réussite de l’action justifie le moyen retenu et son échec le discrédite. L’évaluateur succède ainsi au juge.

  • 3 Ost/Kerchove 2002, p. 338.
  • 4 Knoepfel 2005; Morand 1999, p. 102.

4Cette forme de légitimation n’est toutefois pas moins réductrice que la précédente, car elle revient à justifier l’action par la seule performance. De nature managériale, elle s’inscrit dans les courants de pensée économistes et autorégulatifs, à l’instar de l’analyse économique du droit ou des théories systémistes3. Il n’est donc pas admissible de légitimer l’action de l’Etat par la seule efficacité. D’une part en effet, la mesure de l’efficacité est délicate4, et il ne faudrait pas remplacer une légitimité illusoire par une autre, qui ne revêtirait que l’apparence de l’objectivité. Comment mesurer par exemple l’atteinte d’objectifs imprécis ou contradictoires ? Comment déterminer la qualité de prestations impossibles à évaluer quantitativement ? Comment garantir un pluralisme des évaluations pour mettre en évidence les valeurs sous-jacentes ? D’autre part, la seule légitimation par la performance est constitutionnellement exclue. Le principe d’efficacité doit s’inscrire en contrepoint de la légalité, et non en dissonance et ne saurait être pondéré avec la même intensité que les autres principes de l’Etat de droit, notamment l’intérêt public et la proportionnalité comme nous le verrons.

  • 5 Ost/Kerchove 2002, p. 337.
  • 6 Etude qui reste à faire selon Ost/Kerchove 2002, p. 359.
  • 7 Flückiger 2004, Les actes étatiques non obligatoires.

5Alors que l’Etat de droit a engendré le contrôle de la légalité et que l’Etat gestionnaire a donné naissance au contrôle de l’efficacité, « il ne s’est pas encore trouvé d’Etats, comme le soulignent François Ost et Michel van de Kerchove, pour instaurer des contrôles de légitimité. »5 Il reste donc à trouver autre chose pour légitimer l’Etat dans son action non impérative6. On pourrait par exemple reprendre les fondements sous-jacents au principe de légalité – c’est-à-dire la rationalité, la démocratie et l’égalité notamment – et dégager progressivement des conditions et des dispositifs qui permettent à l’Etat de réguler la société en respectant de tels fondements7.

2. Une définition de l’efficacité

  • 8 Le Petit Robert (édition 1986).

6L’efficacité désigne usuellement le caractère de ce qui produit l’effet attendu. Il équivaut également dans le langage courant à la capacité de produire le maximum de résultats avec le minimum d’efforts ou de dépenses8.

  • 9 Mader 1985, p. 55ss; Groupe de travail « Evaluation législative » 1991; Moor 1996, pp. 640, 643ss; (...)

7Tant en sciences administratives que juridiques règne un certain flou terminologique. La notion est généralement décomposée en termes spécifiques, dans le but de révéler et de mettre en évidence des aspects particuliers du concept dans la perspective de l’analyse des législations et des politiques publiques. De multiples définitions ont été apportées. Nous exposons ici une terminologie en triade définissant l’efficacité de manière restreinte et la distinguant de l’effectivité et de l’efficience9.

  • 10 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998 n’utilisent malheureusement que l’anglicisme outcome en frança (...)
  • 11 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, pp. 69, 103. Voir ég. Mader, 1985, p. 77 (avec références cit (...)

8Tout d’abord, d’après ces auteurs, l’efficacité – au sens étroit donc – est la capacité d’une mesure d’atteindre les objectifs visés par la loi ou la politique publique. Elle se mesure par rapport aux résultats10 (« outcomes »), c’est-à-dire à l’ensemble des effets qui sont causalement imputables à une politique publique déterminée11.

  • 12 Sur l’histoire de ce concept en sociologie du droit, voir Lascoumes/ Serverin 1986.
  • 13 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998 n’utilisent malencontreusement que l’anglicisme output en fran (...)
  • 14 Groupe de travail « évaluation législative » 1991, p. 15; Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. (...)

9L’effectivité12 indique pour sa part le degré de congruence entre les objectifs visés et le comportement effectif des groupes cible. Elle se jauge aux impacts auprès de ces derniers, c’est-à-dire à leur changement de comportement effectif à la suite des prestations13 (« outputs ») que leur fournissent les entités et personnes chargées de mettre en œuvre une tâche publique (par exemple des décisions, des contrats, des actes matériels, des actes de planification, etc.). L’effectivité s’apprécie selon différents indicateurs qui varient selon le type de norme à exécuter : le degré de mise en œuvre, le degré d’observation (pour les obligations), le degré d’utilisation (pour les droits) ou le degré d’attention (pour les mesures de persuasion)14.

  • 15 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 106ss; Mader 1985, p. 82ss (utilisant le terme de coût-eff (...)

10Enfin, l’efficience compare les ressources investies dans une loi ou une politique publique et les résultats obtenus (« outcomes »). Elle résulte d’analyses coût/bénéfice lorsque les objets à comparer sont quantifiables monétairement ou d’analyses coût/effectivité montrant de manière relative les différences de coût entre des mesures alternatives, sans procéder à une estimation des valeurs absolues15.

  • 16 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 69.

11En résumé, une politique ou une norme sont efficaces si les résultats correspondent à leurs objectifs; elle est efficiente si les ressources pour y parvenir sont économiques. Elle est en revanche inefficace, même si elle offre de nombreuses prestations, même si elle provoque de nombreux impacts, lorsqu’elle qu’elle se traduit, contre toute attente, par de piètres résultats16. Contrairement à l’opinion commune, l’efficacité ne se mesure donc pas aux prestations fournies ou utilisées, ni au changement en soi du comportement effectif des groupes cible. Une loi peut ainsi être effective, i. e. appliquée et suivie tant en étant parfaitement inefficace.

  • 17 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 107.
  • 18 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 100; Groupe de travail « évaluation législative » 1991, p. (...)

12Le regroupement des trois concepts précédents sous une étiquette générale (l’efficacité, au sens large) est rendu nécessaire par l’étroite relation qui les unit : d’une part, l’efficience ne peut être mesurée qu’à partir du moment où l’efficacité, au sens étroit, a été constatée17; d’autre part, l’effectivité d’une mesure constitue une condition nécessaire de son efficacité18. Sur ce dernier point, les auteurs positivistes vont même plus loin en érigeant l’effectivité en condition de validité même des normes juridiques. Pour Hans Kelsen, l’effectivité – traduite par le terme efficacité – a un tel statut. Il considère invalide en tant que norme un énoncé normatif qui ne serait jamais appliqué :

  • 19 Kelsen 1962, p. 14s (cité in : Serverin, 2000, p. 28).

Puisque la validité d’une norme constitue un Sollen, et non un Sein, elle est quelque chose de différent de son efficacité, c’est-à-dire du fait de Sein que la norme est effectivement appliquée et obéie et suivie, que le comportement humain qui y correspond se produit effectivement. Affirmer qu’une norme vaut, est valable, n’équivaut pas simplement à constater le fait qu’elle est appliquée et suivie effectivement. Toutefois, il peut exister une certaine corrélation entre validité et efficacité. On ne considère une norme juridique comme objectivement valable que si la conduite humaine qu’elle règle y correspond effectivement, tout au moins jusqu’à un certain point. Une norme qui n’est appliquée ni suivie nulle part ni jamais, c’est-à-dire une norme qui, comme on s’exprime habituellement, ne bénéficie pas d’un minimum d’« efficacité », n’est pas reconnue comme une norme objectivement valable. Un minimum d’« efficacité » est donc une condition de la validité des normes juridiques19.

  • 20 Sur la notion d’effets symboliques, voir Mader 1985, pp. 81 et 95s; Carbonnier 1994, p. 400s; Perri (...)
  • 21 Ost 1998, p. 445.

13Une législation non effective ne peut donc pas être efficace. C’est incontestable, puisque l’on serait bien en peine de démontrer qu’une loi qui ne serait pas appliquée et qui ne provoquerait aucune modification d’un comportement humain puisse être la cause adéquate des effets observés sur l’environnement social et naturel. En revanche, dans certaines situations les objectifs peuvent être atteints sans que la loi ait été mise en œuvre ou sans qu’elle l’ait été avec une grande intensité. La difficulté principale consiste dans ce cas de figure à établir le rapport de causalité entre la non-application de la règle et l’atteinte des objectifs. On pourrait glaner des exemples dans le champ des effets symboliques20 : il importe dans ce cas d’admettre par hypothèse que l’objectif avéré du législateur peut être d’affecter en premier lieu les représentations des acteurs concernés et d’influencer leurs attitudes mentales plutôt que de viser des effets plus concrets. On peut se demander à ce propos si François Ost n’a pas raison lorsqu’il écrit que « la véritable efficacité de la loi est d’ordre symbolique. »21 Dans ces conditions, le simple fait de légiférer, indépendamment d’une mise en œuvre effective de l’énoncé normatif, peut être de nature à atteindre le but. Dans ce sens, les sociologues du droit ont montré qu’en fonction des circonstances des normes non mises en œuvre ou non utilisées effectivement pouvaient déployer certains effets. Renato Treves introduit de cette façon la notion d’effet « latent » :

  • 22 Treves 1995, p. 199.

L’inefficacité des lois n’exclut pas la possibilité que celles-ci aient des effets latents22.

  • 23 Flückiger, Tanquerel, Morand 2000, pp. 165ss, 212ss.

14On peut citer un autre exemple lorsque la règle de droit déploie des effets préventifs propres à atteindre le but visé. Dans cette configuration, cela ne signifie pas forcément que la règle doive effectivement être utilisée ou pratiquée avec une grande fréquence ou de manière intense. Tel est le cas du droit de recours des organisations de protection de l’environnement dont nous avons montré dans une évaluation que, par sa simple existence dans l’ordre juridique suisse, il contribuait, de manière préventive, à contraindre les constructeurs d’appliquer effectivement le droit environnemental et de sauvegarder ainsi l’environnement23. Ici, la simple menace d’utiliser effectivement la norme contribue à son efficacité.

3. La nature juridique du principe d’efficacité

3.1. La constitutionnalisation du principe

15Le principe d’efficacité des mesures de la Confédération est désormais ancré dans la Constitution fédérale du 18 avril 1999 :

Evaluation de l’efficacité – L’Assemblée fédérale veille à ce que l’efficacité des mesures prises par la Confédération fasse l’objet d’une évaluation. (art. 170 Cst.).

  • 24 FF 1997 III 290.

16L’art. 170 Cst. ne se limite pas au seul droit public, mais comprend l’ensemble des lois fédérales ainsi que les mesures qui en découlent24. Cette disposition constitue la consécration constitutionnelle d’une théorie et d’une pratique peu à peu développées dans le cadre de la discipline de l’évaluation législative et qui s’imposent progressivement tant au niveau cantonal que fédéral. Le principe d’efficacité était en effet déjà connu, soit de manière générale, soit de manière spécifique, soit directement, soit indirectement par le détour des clauses d’évaluation prévue dans la loi ou la jurisprudence, tant en droit cantonal qu’en droit fédéral.

  • 25 Voir ég. ce projet de loi canadienne sur l’efficacité de la réglementation cité et commenté in : Os (...)

17La juridicisation de l’efficacité n’est pas une tendance propre à la Suisse. Jacques Chevallier constate la même évolution en France25 :

  • 26 Chevallier 1993, p. 124.

Les valeurs managériales ont donc pénétré au cœur du système juridique en contribuant à le faire évoluer : une nouvelle figure de la rationalité juridique, dans laquelle le droit est tout entier sous-tendu par l’impératif d’efficacité, tend à se substituer à la conception traditionnelle qui faisait de la régularité la condition même de l’efficacité26.

18On mentionnera ainsi la proposition d’introduire une disposition semblable dans la Constitution française (modification de l’art. 34 al. 1er) :

  • 27 Proposition de loi constitutionnelle de MM. Paul QUILÈS et Jean-Marc AYRAULT et les membres du grou (...)

Le Parlement vote la loi. Il en contrôle l’application et en évalue les résultats dans les conditions prévues par une loi organique27.

  • 28 Dans le même sens, voir Moor I 1994, ch. 2.1.1.3 pp. 39 et 188s.

19L’efficacité – et non seulement la légalité – est donc un critère de l’action administrative28. Pierre Moor voit même dans ce phénomène une caractéristique du droit administratif :

  • 29 Moor I 1994, ch. 4.2.3.1 p. 340s. Voir ég. Morand 1999, p. 66s.

Il est […] caractéristique du droit administratif que d’avoir à tenir compte de l’exigence d’efficacité : les activités administratives méritent d’être non seulement légitimées par le droit, mais aussi couronnées par le succès29.

  • 30 FF 1997 III 288.

20Si l’existence d’un principe d’efficacité peut être démontrée, cela ne signifie pas encore qu’il puisse être hissé sur le même plan que d’autres principes constitutionnels, à l’instar des garanties de l’Etat de droit notamment; leur juxtaposition dans certaines des clauses précitées ne devrait pas induire en erreur. La Constitution fédérale définit à l’art. 5 les principes de l’activité de l’Etat régi par le droit. L’efficacité se situe sur un autre plan. Elle n’est prévue que de manière indirecte à l’art. 170 Cst. en ce sens que le constituant, en signifiant que le Parlement doit veiller à ce que l’efficacité des mesures prises par la Confédération fasse l’objet d’une évaluation, veut implicitement affirmer que l’action fédérale doit être efficace. Le constituant a cependant délibérément confiné à ce principe un autre statut que les garanties de l’Etat de droit : non seulement la systématique de la constitution le montre par son emplacement dans la table des matières, mais le texte lui-même précise clairement que ce principe est sujet à évaluation, et non, par exemple, à décision (que cette dernière soit judiciaire ou administrative). Les travaux préparatoires étayent cette interprétation en précisant que « l’évaluation de l’efficacité des mesures de l’Etat ne peut se faire dans le seul cadre de la fonction de haute surveillance du Parlement. L’évaluation peut être un instrument de l’exercice de la fonction de haute surveillance, mais elle dépasse ce cadre. Lors d’une évaluation, l’accent n’est pas mis sur le contrôle d’une autorité par une autre. Il ne s’agit pas non plus de se borner à contrôler l’application des lois, mais bien plus de procéder, à l’aide d’une méthode scientifique, à une analyse des mesures de l’Etat dans leur globalité, c’est-à-dire que les lois elles-mêmes doivent être évaluées »30.

3.2. La mesure de l’efficacité vs la mesure de la légalité

  • 31 Moor I 1994, ch. 2.1.1.3 p. 40.

21Alors que la violation du principe de légalité peut être sanctionnée par une décision judiciaire ou administrative, l’irrespect du principe d’efficacité sera mis en évidence par une évaluation. Les méthodes et les outils classiques du juriste cèdent dès lors que l’efficacité est en jeu. L’évaluation véhicule une conception de la rationalité différente de celle, traditionnelle, de la règle de droit dont les caractéristiques de généralité et d’abstraction exigent d’être concrétisées dans un cas d’espèce. L’efficacité implique d’observer les effets de la loi dans la réalité de sa mise en œuvre, et non seulement d’étudier la jurisprudence rendue sur la base de la loi, qui ne saurait plus être considérée dans un tel contexte comme le reflet exact de l’application de la loi. Cela signifie donc que « pour mesurer dans son ensemble l’efficacité et la justice d’une législation, il faut tenir compte non seulement de sa texture juridique, mais également de la matérialité de sa mise en œuvre »31.

  • 32 Voir dans ce sens Moor I 1994, ch. 4.3.3.2 p. 385.

22Il s’ensuit que le principe d’efficacité n’est pas justiciable au même titre que celui de la légalité par exemple. Si le second est de nature à être directement jugé par un tribunal, le premier ne relève pas en tant que tel de la sphère de compétence du juge pour les motifs relevés précédemment. Le juge n’est pas un évaluateur. S’il le devenait, il outrepasserait sa fonction qui consiste à assurer la correcte application de la norme. Il prendrait le risque, en s’exprimant sur l’efficacité d’une législation ou d’une politique, de porter une responsabilité d’ordre politico-administrative qu’il n’a pas pour fonction d’assumer institutionnellement : si une loi ou une politique publique ne produit pas les effets prévus, les citoyens devraient s’en prendre à l’Etat, et non au juge32. Ce dernier doit en conséquence faire preuve d’une certaine retenue sur ce point.

  • 33 FF 1997 III 288.

23Précisons cependant que cette remarque ne revient pas à défendre le juge de se confronter au principe d’efficacité. Bien au contraire : comme les commissions des institutions politiques l’ont rappelé, les résultats de l’évaluation doivent fournir des « enseignements utiles »33, y compris aux tribunaux qui pourront les utiliser pour parfaire leur appréhension des faits, pour affiner leur connaissance des objectifs d’une règle, prélude incontournable de l’interprétation téléologique, ou pour vérifier le critère de l’aptitude dans le test de proportionnalité.

  • 34 Luzius Mader se demandait ainsi en 1985 déjà dans quelle mesure les critères d’efficience et d’effi (...)
  • 35 ATF 103 Ib 227.
  • 36 ATF 103 Ib 227 (231).
  • 37 C’est le terme employé par le Tribunal fédéral (ATF 103 Ib 227 [231]).
  • 38 Dans le même sens, voir Moor I 1994, ch. 5.2.1.2 p. 419.
  • 39 de Sadleer1999; Flückiger, Raisons et rationalités.

24Sur ce dernier point en effet, lorsque qu’une autorité procède à l’examen de l’aptitude au cours du contrôle de la proportionnalité, elle vérifie si le moyen choisi est propre à atteindre le but visé, soulevant ainsi la question de l’efficacité au sens étroit34. Le juge ne se substitue cependant pas à l’évaluateur, dans la mesure où il se borne à vérifier si le moyen est propre à atteindre le but d’intérêt public. Il ne se livre pas lui-même dans ce cas à une étude d’évaluation opérée conformément aux méthodes scientifiques applicables; il ne procède pas à une étude de mise en œuvre dans laquelle il examinerait les effets concrets des mesures en pratique. Le juge devrait pourtant, à notre avis, se fier si nécessaire à de tels travaux pour démontrer l’aptitude d’une mesure à atteindre le but visé. Lorsque la situation présente des facteurs d’incertitude, par exemple dans le cas des mesures préventives, le Tribunal fédéral a admis que le législateur est autorisé à prévenir un risque abstrait par des mesures adéquates35. Dans ce cas, il faut être en mesure de montrer, de manière prospective, que, d’après les données de l’expérience courante, la mesure contestée est apte à prévenir un risque abstrait36. Le développement des connaissances et des expériences en sciences administratives devrait conduire le Tribunal fédéral à exiger dans un tel cas la production d’une véritable évaluation prospective au lieu de se fier simplement aux « données de l’expérience courante » (« Lebenserfahrung »)37. Il devrait de surcroît exiger que l’autorité suive la mise en œuvre et collecte les données relatives aux effets afin d’évaluer au fur et à mesure l’efficacité de la mesure, et au besoin de l’adapter38. Le développement du principe de prévention en droit environnemental, suivi de l’émergence du principe de précaution imposant d’agir en contexte d’incertitude marqué39, rend la problématique plus aiguë encore en lançant aux évaluateurs un défi de taille, celui de conjuguer science avec prudence.

  • 40 Morand 1999, p. 112s.
  • 41 Morand 1999, p. 67.

25La réception du principe d’efficacité par les tribunaux et son évaluation méthodique pourraient s’appuyer sur la Cour constitutionnelle allemande qui, admettant l’incertitude inhérente aux interventions étatiques, ne s’en est en revanche pas contentée. La Cour, dans une jurisprudence constante, impose au législateur de faire en sorte de réunir et d’exploiter systématiquement les données nécessaires à l’évaluation des effets produits par la loi et de corriger celle-ci en fonction de cette évaluation, lorsqu’elle a des hésitations sur les effets d’une loi sur la jouissance des droits fondamentaux40. Le juge ne se substitue pas dans ce cas de figure au législateur; il ne devient pas lui-même un évaluateur, mais prend en compte le principe d’efficacité en chargeant l’autorité institutionnellement compétente de l’intégrer dans son action comme critère de décision. Cet exemple montre l’aptitude du droit à s’abreuver à de multiples sources pour se régénérer et s’adapter à son environnement. En conclusion, comme le synthétise Charles-Albert Morand, « la prise en compte dans le cadre des contrôles de régularité des données fournies à l’occasion des contrôles d’effectivité, d’efficacité et d’efficience est un des défis majeurs que les juridictions devront relever un jour »41.

26Le principal censeur du principe d’efficacité n’est cependant pas le pouvoir judiciaire. Le Parlement et le gouvernement ont en revanche une responsabilité accrue dans la mesure où leur action ne devrait pas ignorer les enseignements tirés d’une évaluation sans provoquer un débat politique. Exiger le respect de l’efficacité apporte un élément de rationalité supplémentaire au processus de formation de la volonté des autorités. Ce rôle a été très bien perçu par les commissions des institutions politiques des Chambres fédérales au moment d’introduire dans la Constitution fédérale la disposition relative à l’évaluation de l’efficacité des mesures prises par la Confédération :

  • 42 FF 1997 III 288.

Les résultats de ces évaluations doivent fournir des enseignements utiles : ainsi, par exemple, le résultat d’une évaluation portant sur une mesure concrète prise par l’Etat peut servir de point de repère au Conseil fédéral et au Parlement pour la poursuite de leurs activités législatives dans ce domaine42.

27Concrètement, le gouvernement pourra par exemple proposer de s’appuyer sur une évaluation de l’efficacité pour proposer au Parlement d’adapter la législation et de modifier les actes législatifs de sa compétence. La loi sur les subventions institue un tel mécanisme :

Examen périodique – Le Conseil fédéral examine périodiquement, tous les six ans au moins, si les actes normatifs régissant les aides et les indemnités sont conformes aux principes du présent chapitre.

  • 43 RS 616.1. Voir également par exemple l’art. 40 al. 2 de l’ordonnance sur les contributions écologiq (...)

Le Conseil fédéral fait rapport au Parlement sur les conclusions de cet examen. S’il y a lieu, il propose la révision ou l’abrogation d’actes législatifs et il veille à assurer la modification ou l’abrogation d’ordonnances. (art. 5 al. 1er et 2 de la loi sur les subventions)43.

  • 44 Voir Moor I 1994, ch. 3.1.2.2 p. 192. Sur l’exemple des actes de planification, voir les principes (...)
  • 45 Chevallier 1991, p. 19. Dans le même sens, voir Mader 1985, p. 112ss.

28Le principe d’efficacité, on le voit, s’inscrit dans une logique différente de celle des garanties de l’Etat de droit. Sur le plan juridique, le principe d’efficacité complète ainsi utilement le principe de légalité lorsque ce dernier parvient à ses confins, c’est-à-dire dans un contexte où respecter la légalité pour elle-même ne permet que d’assurer une illusion de légitimité. Le principe d’efficacité devient dans cette hypothèse, au même titre que d’autres mécanismes44, un moyen de compenser le déficit de légitimation qui découle de la diminution de la densité normative. « A une légitimité fondée sur la régularité des procédures mises en œuvre, sur la conformité des conduites et des comportements, se substitue une légitimité fondée sur l’efficacité des actions entreprises, sur la capacité d’atteindre des objectifs préalablement fixés » annonçait Jacques Chevallier45. Charles-Albert Morand tempère toutefois la portée de ce changement en soulignant l’aspect précaire de la légitimation par l’efficacité :

  • 46 Morand 1999, p. 102.

La légitimation par l’efficacité est beaucoup plus fragile que celle traditionnelle, fondée sur le respect des principes de l’Etat de droit démocratique. Elle est plus difficile à établir, car elle nécessite de grands moyens matériels. Elle est toujours contestable, car aucune évaluation n’est capable de fournir des certitudes absolues. Elle est mouvante, car un changement de circonstances peut la remettre en question. L’évaluation législative ne jouit jamais du privilège de la force de chose jugée46.

  • 47 Dans ce sens, dans le contexte de la nouvelle gestion publique, voir par exemple Knoepfel 1995, p. (...)

29Sur le plan sociopolitique, le principe de légalité s’inscrit de manière propice en contrepoids à une pensée purement orientée vers l’efficacité. L’activité étatique, et administrative en particulier, ne se réduit pas aux seuls impératifs managériaux. Là où la recherche d’efficacité échoue à garantir des services administratifs respectueux du fondement démocratique sur lequel l’Etat repose et léserait des valeurs constitutionnelles fondamentales, le principe d’efficacité doit être relativisé47. François Ost le rappelle :

  • 48 Ost 1998, p. 445.

il faut reconnaître que la légitimité d’une règle ne se mesure pas seulement à son effectivité, son efficacité ou son efficience. Qu’elle est aussi, et surtout dirions-nous, fonction de sa capacité à produire un équilibre entre justice et sécurité, dans le respect des formes légales, qui sont autant de garanties contre l’arbitraire48.

30Pour le juge, le principe d’efficacité, découlant indirectement de l’art. 170 Cst., ne saurait être pondéré avec la même intensité que les différents principes de l’Etat de droit, puisqu’il n’a pas le statut de ces derniers, comme nous l’avons montré. En cas de conflit ouvert, la balance devra donc pencher du côté du principe de la légalité ou de l’intérêt public notamment. Le principe d’efficacité ne pourra s’inscrire dans ce contexte qu’en complément, en comblant les éventuelles failles de l’édifice. Il n’est cependant pas exclu que la loi puisse occasionnellement conférer au principe d’efficacité un poids particulier, en lui attribuant par exemple un caractère conditionnel au lieu de le considérer comme un principe particulier à prendre en considération lors d’une opération de balance des intérêts. La loi fédérale sur les subventions, précédemment évoquée, fournit un exemple dans lequel l’efficacité devient une condition d’octroi d’aides financières :

  • 49 RS 616.1.

La présente loi subordonne l’octroi d’aides financières […] ou d’indemnités par la Confédération pour l’ensemble de son domaine de compétence aux conditions suivantes : […] Le but auquel elles tendent sera atteint de manière économique et efficace » (art. 1er al. 1er let. b de la loi fédérale sur les subventions)49; Les dispositions légales prévoyant des aides peuvent être édictées lorsque […] la tâche ne peut être accomplie d’une manière plus simple, plus efficace ou plus rationnelle. (art. 6 let. e ibid.).

31Parfois la norme va plus loin et prévoit que l’efficacité permet dans certaines circonstances de déroger aux principes légaux à l’instar de cette disposition, à notre avis discutable du point de vue de la proportionnalité :

  • 50 RS 142.311.

Langue de la procédure – L’Office fédéral des migrations […] peut déroger à la règle […] lorsqu’une telle mesure s’avère provisoirement nécessaire pour traiter les demandes d’asile de façon particulièrement efficace et rapide en raison du nombre des requêtes ou de la situation sur le plan du personnel. » (art. 4 let. b de l’ordonnance 1 sur l’asile relative à la procédure)50.

  • 51 Moor I 1994, ch. 4.1.3.3 p. 320.

32Cette question soulève la problématique des dérogations légales et des autorisations exceptionnelles. Celles-ci peuvent être justifiées par le souci d’éviter qu’une trop grande rigidité dans la mise en œuvre d’une mesure aille, dans des circonstances particulières, à l’encontre d’un intérêt public légitime, violant ainsi le principe de proportionnalité51. Diverses cautèles entourent les autorisations exceptionnelles, destinées à justifier l’intérêt à la dérogation qui devra l’emporter dans le cas d’espèce sur l’intérêt que poursuit la norme que l’on compte écarter. Parmi ces bornes, on trouve parfois l’exigence d’efficacité, à l’instar de l’exemple précédent; d’autres peuvent être trouvés :

  • 52 RS 832.30.

Les organes d’exécution peuvent, à la demande écrite de l’employeur, autoriser, à titre exceptionnel et dans le cas d’espèce, des dérogations aux prescriptions sur la sécurité au travail lorsque l’employeur prend une autre mesure aussi efficace. » (art. 69 al.1er let. a de l’ordonnance sur la prévention des accidents et des maladies professionnelles)52; Les bâtiments et autres constructions existants ainsi que les installations et appareils techniques existants qui ne répondent pas aux exigences de la présente ordonnance ne peuvent continuer d’être utilisés que si la sécurité des travailleurs est garantie par d’autres mesures aussi efficaces (art. 108 al. 2 ibid.);

  • 53 RS 837.0.

L’organe de compensation […] peut libérer totalement ou partiellement l’autorité cantonale de l’exécution du contrôle si des structures propres à garantir un placement efficace sans contrôle existent » (art. 17 al. 2 i.f. de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité)53.

  • 54 Chevallier 1993, p. 132.

33En résumé, on constate avec Jacques Chevallier54, une hybridation de la logique gouvernant l’action publique : la rationalité juridique est saisie par celle de l’efficacité et, inversement, la rationalité managériale est amendée par le principe de légalité. Les deux logiques se sont donc en quelque sorte fertilisées par leur contact mutuel. Le droit a évolué vers plus d’efficacité alors que le management doit composer avec les exigences de l’Etat de droit.

4. L’évaluation de l’efficacité dans un environnement émergent : la nécessité de s’affranchir du schéma téléocentrique

  • 55 Morand 1999, p. 77s; Delley 1993, p. 29; Chen 1990, p. 169; Mader 1985, p. 78ss.
  • 56 Mader 1985, p. 78ss (82).

34En définissant l’efficacité comme la capacité d’une mesure d’atteindre les objectifs visés, nous visons la situation idéale composée d’objectifs clairs, univoques, précis, mesurables aisément, opérationnels, précisément déterminés, expressément exprimés, stables, certains, convergents et non contradictoires. Or, de telles conditions sont rarement réunies en pratique55. La recherche des objectifs constitue dès lors une étape préliminaire essentielle de toute analyse portant sur l’efficacité de la législation56. Déterminer l’efficacité d’une norme devient une opération périlleuse si les objectifs ne peuvent pas être définis avec un minimum de précision. Comment procéder en effet à une évaluation rigoureuse et scientifique de l’efficacité si le repère fondamental qui sert de base au raisonnement – les objectifs et buts de la loi – est imprécis, mouvant, fuyant, à la limite de l’insaisissable ? Comment ne pas rendre trop tentant le penchant de reconstruire a posteriori une lecture orientée des buts à la suite des effets réellement obtenus et observés, afin d’aboutir au degré d’(in)efficacité que l’on souhaite démontrer ?

  • 57 Sur cette notion, voir Morand 1999, p. 125ss.
  • 58 Morand 1999, p. 133.
  • 59 Mintzberg 1994, p. 359.
  • 60 Morand 1999, p. 155.
  • 61 Delley 1993, p. 33.

35Cette difficulté est rendue plus problématique avec les mutations du droit moderne, en particulier avec l’avènement des programmes relationnels de l’Etat réflexif57. Dans ce système, le flou des objectifs est accru puisque ces structures juridiques « admettent d’emblée la possibilité d’une dérive due à leur insertion dans les structures réflexives internes des systèmes régulés, du fait aussi qu’ils sont ouverts à l’absorption des émergences qui apparaissent au niveau de la mise en œuvre », comme le synthétise Charles-Albert Morand58. L’efficacité même du droit réflexif dépend de sa capacité à intégrer au fur et à mesure de l’évolution des circonstances l’émergence de buts et de mesures aussi nouveaux qu’imprévus. Dans le champ des sciences économiques, Henry Mintzberg emploie une distinction fort utile dans la compréhension du problème : il distingue entre le contrôle de la « performance planifiée » (qui s’analyse par rapport à la stratégie intentionnelle fixant à l’avance les objectifs) et le contrôle de la « performance stratégique » (qui s’analyse par rapport à la stratégie émergente, apparaissant du fait même de l’évolution de la situation)59. Le modèle sous-jacent dans la définition du principe d’efficacité est, dans cette configuration, bien trop linéaire et figé, même s’il prend en compte des boucles de rétroactivité dans le schéma fins-moyens-évaluation-adaptation. L’évaluation ne saurait plus être considérée comme une simple sanction de l’incapacité de l’administration de réaliser les buts posés par les législations finalisées60, à l’instar d’un juge devant sa règle de droit. Elle ne peut plus non plus se contenter dans un concert si lâche de finalités de se restreindre à mesurer l’écart entre le(s) but(s) et les effets de la loi dans son environnement social et naturel sans être soupçonnée d’une certaine crédulité. Cet écart – encore et toujours qualifié de « déficit d’exécution » tant en sciences administratives et politiques que juridiques – qui devrait, comme le souligne à juste titre Jean-Daniel Delley, plutôt être dans cette perspective redéfini en tant qu’« attitude active de réappropriation de la législation par les applicateurs et les destinataires pour la réalisation de leurs objectifs propres […]. Au vu des caractéristiques des législations et des politiques publiques […], il faut plutôt parler d’activation des scénarios potentiels de la législation que de déficit [d’exécution], terme qui indique la non-conformité d’une action par rapport au modèle normatif »61.

  • 62 Chen 1990, p. 143ss et 168ss et réf. cit.

36L’évaluation de l’efficacité doit par conséquent s’intégrer dans un autre modèle que celui de la simple finalité. Ce problème a été perçu très tôt en sciences évaluatives et a fait l’objet d’un vaste débat62.

  • 63 Derlien 1976, p. 21 (cité in Mader 1985, p. 90).
  • 64 Scriven 1991, p. 180.
  • 65 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 45.
  • 66 Etzioni 1960 (cit. in Chen 1990, p. 173).
  • 67 Chen 1990, p. 181ss.
  • 68 Morand 1999, p. 153ss. Sur la notion de planification émergente, voir Flückiger 1999, p. 132ss et 1 (...)

37Certains ont ainsi proposé d’élargir le champ d’analyse à l’ensemble des effets, et pas uniquement à l’analyse d’effectivité, d’efficience et d’efficacité proprement dite, non seulement en raison de la difficulté de définir des objectifs flous et évolutifs, mais également de l’importance des effets inattendus63. On pense en particulier à l’approche de l’évaluation dite affranchie des objectifs (« goal-free »-evaluation)64, tentant d’intégrer dans l’analyse les effets non voulus, visés ou non65. Certains ont également suggéré de recourir à un modèle systémique66. Insatisfaits des théories précédentes, d’autres encore ont proposé des modèles alternatifs, à l’instar des « theory-driven evaluations »67. De même, une conception réflexive de l’évaluation, s’inspirant d’un modèle légistique de planification émergente par exemple68, est aussi une tentative d’empoigner ce problème.

38Néanmoins du point de vue du principe d’efficacité, les techniques évaluatives mettant en question le modèle purement finalisé et qui prétendent s’affranchir des buts réservent une interrogation logique en relation avec la définition que nous avons adoptée : en expliquant l’efficacité par rapport aux objectifs, se libérer de ces derniers ne permet plus d’évaluer ce principe au sens où nous l’avons défini.

39Nous proposons par conséquent une autre piste de réflexion : penser autrement la notion d’efficacité.

5. Vers une autre conception de l’efficacité : de l’écart entre modèle et réalité à l’exploitation du potentiel de situation

40Le problème précédent provient du fait que l’efficacité est définie en fonction d’un complexe d’objectifs posés a priori qu’il convient d’atteindre.

41Serait-il néanmoins possible de concevoir ce principe sans construire un modèle à poser comme but, et sans passer par la distinction théorie/ pratique qui implique inévitablement la survenance d’un écart, réminiscence de l’évaluation-sanction ?

  • 69 Jullien 1996.
  • 70 François Jullien rappelle bien sûr la présence dans l’univers de la Grèce antique de cette inquiéta (...)

42François Jullien propose précisément dans son Traité de l’efficacité de repenser fondamentalement l’efficacité en ce sens69. Il montre que notre civilisation, héritière de la tradition grecque70, ne conçoit l’efficacité qu’à partir de l’abstraction de formes idéales dressées comme buts qu’il convient ensuite de faire passer dans les faits :

  • 71 Jullien 1996, p. 11.

les yeux fixés sur le modèle que nous avons conçu, que nous projetons sur le monde et dont nous faisons un plan à exécuter, nous choisissons d’intervenir dans le monde et de donner forme à la réalité. Et plus, dans notre action, nous savons rester proches de cette forme idéale, plus nous aurions de chances d’y réussir71.

  • 72 Ibid., p. 24.
  • 73 Ibid., p. 21. Voir ég. p. 13.
  • 74 Ibid., p. 14.
  • 75 Sur ce thème, voir Revue européenne des sciences sociales.

43Faire jouer cette articulation entre fins et moyens revient à opposer modèle et réalité puis à en penser l’écart. De ce couple « théorie-pratique » résulte immanquablement une « friction »72, un « écart »73. Ce paradigme, qui a donné de bons résultats au niveau de la production physique – ce que l’on « fabrique », trouve ses limites dans l’action – ce que l’on « accomplit »74. Or, nous sommes pris dans ce schéma de pensée qui articule buts avec moyens, si familier et tellement bien assimilé d’ailleurs que nous ne le remarquons plus; une brûlante évidence qui impliquerait de « penser l’impensable »75.

  • 76 Jullien 1996, p. 28.
  • 77 Ibid., p. 34.
  • 78 Ibid., p. 36.
  • 79 Ibid., p. 35.
  • 80 Ibid., p. 220.

44Il serait pourtant possible, selon François Jullien, de concevoir une autre approche où le succès ne viendrait pas d’un modèle qui serve de norme à l’action, mais girait dans la capacité à détecter les facteurs favorables à l’œuvre dans le cours des choses, à s’appuyer sur ce qui est porteur, à se fier au potentiel qu’offre la situation et à tirer subtilement parti de son évolution76. Dans un tel cadre, l’événement circonstanciel n’est plus ce qui, inattendu, risque de faire capoter le plan suivi, mais devient précisément grâce à sa mobilité ce qui peut être mis à profit pour faire infléchir la situation77. La variable, l’imprévisible, l’incertain ne constituent plus dans un tel système le problème que nous redoutons habituellement, menaçant le modèle à atteindre, mais bien les éléments moteurs de l’efficacité78. Il s’ensuit que la stratégie n’est plus prédéterminée. Elle est sans détermination préalable et ne prend forme qu’en rapport avec le potentiel de la situation79; la régulation naissant alors de la compensation continue des polarités80.

  • 81 Ibid., p. 29.
  • 82 Ibid., p. 29.
  • 83 Ibid., p. 30.
  • 84 Ibid., p. 227.

45Les deux notions fondamentales constituant le cœur de cette théorie sont d’une part celle de situation ou de configuration telle qu’elle prend forme en tant que rapport de force et l’autre, celle de potentiel, tel qu’il se trouve impliqué dans cette situation et qu’il est possible de faire jouer en sa faveur81. Le potentiel de la situation est illustré par la métaphore du torrent au lit étroit et au fort dénivelé dont l’élan est à même de charrier des pierres : la situation est par elle-même source d’effet82. Il reviendra au bon général de chercher le succès dans ce potentiel au lieu de le demander aux soldats; selon sa capacité à s’y appuyer, il va les rendre lâches ou courageux83. Il suffit de repérer assez tôt, d’obtenir et d’utiliser à son profit ce potentiel pour que la victoire vienne d’elle-même : si lourdes que soient les pierres, il est aisé de les faire rouler grâce à la pente tandis qu’il est difficile de les déplacer par la force84. Un éloge de la facilité en quelque sorte :

  • 85 Li Chang cité par Chang Yu à propos du chap. V § 25 de Sun Tzu (Sun Tzu 1972, p. 130).

Aussi doit-on, quand on commande des troupes, tirer parti de la situation, exactement comme lorsqu’on fait rouler une balle le long d’une pente abrupte. La force fournie est minime mais les résultats sont énormes85.

  • 86 Jullien 1996, p. 29s.

46Dès lors, comme l’affirme François Jullien, la conséquence est une remise en question de « ce que pourrait être une conception humaniste de l’efficacité. Car c’est moins notre investissement personnel qui compte désormais, en s’imposant au monde et grâce à notre effort, que le conditionnement objectif résultant de la situation : c’est lui que je dois exploiter, sur lui que je dois compter, lui seul suffit à déterminer le succès. Je n’ai qu’à le laisser jouer. Si force et faiblesse […] sont une affaire de situation, courage et lâcheté sont une affaire de potentiel (découlant de cette situation). Courage et lâcheté sont donc le produit de la situation au lieu de nous appartenir en propre (et, pourrait-on ajouter, de relever de notre responsabilité) »86.

  • 87 Voir la notion de « plan-programme » dont nous avons décortiqué ailleurs la nature juridique (Flück (...)
  • 88 Morand 1999, p. 76.
  • 89 Ibid., p. 132.
  • 90 Ibid., p. 160.

47Recadrant la problématique sur le plan juridique, la poursuite d’une telle voie est déstabilisante, car elle semble impliquer remettre en question la rupture opérée dans la structure et la conception même du droit avec l’apparition des programmes finalisés que l’Etat a mis en place pour lutter contre le chômage, la pollution, l’exclusion, etc.87 La norme, jusqu’alors enchâssée dans une relation bipolaire avec son application dans le cas d’espèce, se développe par l’apparition d’une structure gestionnaire orientée vers l’action autour de la triade du but, des moyens et de leur évaluation88. Non seulement le droit de l’Etat propulsif, mais également celui de l’Etat réflexif est concerné puisque ce dernier comporte également des objectifs, des moyens d’action et une évaluation, fussent-ils plus souples89. Il en va de même pour l’Etat incitateur puisque l’on reste dans la sphère du droit réflexif90.

  • 91 Morand 1996.

48Pourtant, la grille de lecture des penseurs chinois anciens présente trop d’analogies avec la mutation du droit moderne pour remettre fondamentalement en cause celle-ci. Tant la première que la seconde montrent par exemple les limites du recours aux normes fixes. On comparera à cet égard l’annonce de la « fin des règles fixes », pour souligner le rôle des principes directeurs dans le fonctionnement du droit des politiques publiques91, avec l’exégèse de Sun Tzu par Li Ch’uang :

  • 92 Sun Tzu, 1972, chap. V, ad § 19, p. 127.

Or, lorsque les troupes parviennent à se placer dans une situation favorable, le lâche est brave; que la situation devienne désespérée, et les braves deviendront des lâches. Dans l’art de la guerre, il n’existe pas de règles fixes. Ces règles ne peuvent être établies que selon les circonstances92.

  • 93 Ibid. chap. VI § 28.
  • 94 Jullien 1996, p. 109.
  • 95 Ibid., p. 46.

49Les deux philosophies ont en particulier en commun cette recherche de souplesse, cette nécessité d’adaptabilité continue à la situation, comme « le flot qui épouse les accidents du terrain »93, ce concept de « transformation impliquée » se substituant à celle d’« action dirigée »94, cette efficacité qui découle non d’une application d’un but conçu d’avance, mais d’une exploitation tirant profit du potentiel engagé dans une situation donnée95.

  • 96 Sun Tzu 1972, chap. I § 17 p. 95.
  • 97 Jullien 1996, p. 163ss.
  • 98 Sun Tzu 1972, chap. VI § 27 p. 137.

50Les analogies trouvent cependant leurs limites dans l’apologie des stratèges chinois de la duperie érigée en principe fondateur (« Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie »96), la manipulation stratégique97 ainsi qu’une certaine lâcheté (« évite[r] la force et frappe[r] la faiblesse »98). Notons également que la question ‑ cruciale dans un Etat démocratique – de la légitimation des processus d’adaptation continuelle des règles aux circonstances devrait être abordée de front. Enfin, le « coût » de cette conception orientale ne doit pas être occulté :

  • 99 Jullien 1996, p. 229.

un coût, résume François Jullien, dont il est désespérant de constater que le penseur chinois, toutes tendances confondues, ne paraît même pas le soupçonner : car, en affrontant le monde, on s’émancipe de lui, non seulement on fournit une matière au récit héroïque et à la jubilation du sujet, mais, à travers la résistance, on se fraye un accès à la liberté. […] De quoi rêver d’Héraclès, montant sur son bûcher, heureux de s’être épuisé pour rien99

  • 100 Morand 1999, p. 128.

51Cependant, l’approche orientale permet, à notre avis, de renouveler profitablement la réflexion sur l’évolution du droit, spécialement en forçant à relativiser l’importance de la problématique de la précision et de l’évolution des objectifs. Elle pousse aussi à s’affranchir sans nostalgie du modèle purement finalisé, même si, d’ailleurs, il est évident qu’il n’est de toute façon pas concevable sous sa forme absolue dans un Etat démocratique100.

52Le changement de représentation est subtil : la notion centrale n’est plus le but visé, mais plutôt le résultat escompté, modifiant radicalement le point de vue :

  • 101 Jullien 1996, p. 93s.

on attend seulement que le déroulement du processus engagé nous ait conduit au plus près du résultat escompté (à distinguer d’un but visé), de sorte que, intervenant le moins possible, et grâce à la seule propension des choses, on soit poussé à réussir101.

53Il ne s’agit donc pas de viser directement l’effet, mais de le recueillir, de le laisser résulter. La révolution est copernicienne : le système n’est plus « téléocentrique ». Le but n’est plus cette terre au centre de l’univers ptoléméen. La finalité, pourtant, n’est pas pour autant évacuée du système (le général chinois tend en fin de compte au succès de ses campagnes); elle continue d’exister, mais en gravitant à la marge, en orbite.

  • 102 Ibid., p. 84ss, 224.
  • 103 Ibid., p. 7.
  • 104 Ibid., p. 145ss.
  • 105 Mintzberg 1994, p. 359.

54Cette perspective nous force à repenser la notion d’efficacitéhors du schéma fins-moyens. Dans cette optique, l’accent se déplacerait sur la capacité à percevoir, à détecter, à anticiper suffisamment tôt les plus infimes indices précurseurs de l’évolution d’une situation dont il ne restera plus qu’à laisser agir le potentiel par lui-même102. L’efficacité deviendrait alors l’aptitude à repérer puis à exploiter un facteur porteur, c’est-à-dire un facteur promis de lui-même à un certain développement sur lequel prendre appui103. Ainsi conçue, l’efficacité tendrait à glisser vers la notion d’efficience104. Elle justifierait de surcroît d’englober sous son couvert l’ensemble des effets qui concourent au succès d’une politique, y compris les effets émergents, non voulus, « hors du but ». Elle contribuerait enfin à placer l’accent de l’efficacité non plus sur la performance planifiée, qui s’analyse par rapport à la stratégie intentionnelle fixant préalablement les objectifs, mais sur l’évaluation de la « performance stratégique », au sens où Henry Mintzberg la comprend, qui s’évalue en relation avec la stratégie émergente et qui se révèle du fait même de l’évolution de la situation105.

55Ce changement conceptuel contribuerait en conclusion à faire prendre conscience que la transformation continuelle de la réalité, l’ajustement incessant des imbrications entre différents réseaux, la complexité résultant de rationalités divergentes, l’incertitude qui en découlent ne sont pas les chausse-trappes des politiques publiques que l’Etat a vocation de piloter, mais les briques même de l’efficacité. Un changement de perspective qui devrait rendre plus sereins les observateurs déstabilisés par la description d’un monde complexe, et d’un droit qui n’en est que l’élémentaire reflet.

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Notes

1 Ce texte est une version partiellement remaniée de l’article suivant : AlexandreFlückiger, « Le droit administratif en mutation : l’émergence d’un principe d’efficacité », Revue de droit administratif et fiscal, 2001, pp. 93-119.

2 Atias 1999, p. 277s.

3 Ost/Kerchove 2002, p. 338.

4 Knoepfel 2005; Morand 1999, p. 102.

5 Ost/Kerchove 2002, p. 337.

6 Etude qui reste à faire selon Ost/Kerchove 2002, p. 359.

7 Flückiger 2004, Les actes étatiques non obligatoires.

8 Le Petit Robert (édition 1986).

9 Mader 1985, p. 55ss; Groupe de travail « Evaluation législative » 1991; Moor 1996, pp. 640, 643ss; Perrin 1997, p. 69; Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 65ss (qui reprend la triade efficacité, effectivité, efficience en la ventilant plus précisément dans le cycle des politiques publiques); Lienhard, 2000, p. 165ss.

10 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998 n’utilisent malheureusement que l’anglicisme outcome en français.

11 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, pp. 69, 103. Voir ég. Mader, 1985, p. 77 (avec références citées).

12 Sur l’histoire de ce concept en sociologie du droit, voir Lascoumes/ Serverin 1986.

13 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998 n’utilisent malencontreusement que l’anglicisme output en français.

14 Groupe de travail « évaluation législative » 1991, p. 15; Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 97.

15 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 106ss; Mader 1985, p. 82ss (utilisant le terme de coût-efficacité [p. 88]).

16 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 69.

17 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 107.

18 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 100; Groupe de travail « évaluation législative » 1991, p. 17; Mader 1985, p. 77.

19 Kelsen 1962, p. 14s (cité in : Serverin, 2000, p. 28).

20 Sur la notion d’effets symboliques, voir Mader 1985, pp. 81 et 95s; Carbonnier 1994, p. 400s; Perrin 1997, p. 71s note 85.

21 Ost 1998, p. 445.

22 Treves 1995, p. 199.

23 Flückiger, Tanquerel, Morand 2000, pp. 165ss, 212ss.

24 FF 1997 III 290.

25 Voir ég. ce projet de loi canadienne sur l’efficacité de la réglementation cité et commenté in : Ost 1998, p. 443.

26 Chevallier 1993, p. 124.

27 Proposition de loi constitutionnelle de MM. Paul QUILÈS et Jean-Marc AYRAULT et les membres du groupe Socialiste et apparentés tendant à modifier l’article 34 de la Constitution afin d’élargir les pouvoirs du Parlement, n° 241 rectifié, déposée le 2 octobre 2002.

28 Dans le même sens, voir Moor I 1994, ch. 2.1.1.3 pp. 39 et 188s.

29 Moor I 1994, ch. 4.2.3.1 p. 340s. Voir ég. Morand 1999, p. 66s.

30 FF 1997 III 288.

31 Moor I 1994, ch. 2.1.1.3 p. 40.

32 Voir dans ce sens Moor I 1994, ch. 4.3.3.2 p. 385.

33 FF 1997 III 288.

34 Luzius Mader se demandait ainsi en 1985 déjà dans quelle mesure les critères d’efficience et d’efficacité « pourront être “récupérés” sur le plan juridique en développant le principe de proportionnalité par exemple » (Mader 1985, p. 113, note 73). Voir ég. Chevallier 1993, p. 113s.

35 ATF 103 Ib 227.

36 ATF 103 Ib 227 (231).

37 C’est le terme employé par le Tribunal fédéral (ATF 103 Ib 227 [231]).

38 Dans le même sens, voir Moor I 1994, ch. 5.2.1.2 p. 419.

39 de Sadleer1999; Flückiger, Raisons et rationalités.

40 Morand 1999, p. 112s.

41 Morand 1999, p. 67.

42 FF 1997 III 288.

43 RS 616.1. Voir également par exemple l’art. 40 al. 2 de l’ordonnance sur les contributions écologiques, aujourd’hui abrogée : « L’évaluation doit permettre de contrôler périodiquement l’efficacité des mesures prises. Elle sert aussi de base à leur développement ultérieur. » (RO 1996 1007).

44 Voir Moor I 1994, ch. 3.1.2.2 p. 192. Sur l’exemple des actes de planification, voir les principes de réserve du plan et de soumission au plan que nous avons examinés ailleurs (Flückiger 1996 [b], p. 61ss).

45 Chevallier 1991, p. 19. Dans le même sens, voir Mader 1985, p. 112ss.

46 Morand 1999, p. 102.

47 Dans ce sens, dans le contexte de la nouvelle gestion publique, voir par exemple Knoepfel 1995, p. 463, 466s; Mastronardi 1998, p. 106s.

48 Ost 1998, p. 445.

49 RS 616.1.

50 RS 142.311.

51 Moor I 1994, ch. 4.1.3.3 p. 320.

52 RS 832.30.

53 RS 837.0.

54 Chevallier 1993, p. 132.

55 Morand 1999, p. 77s; Delley 1993, p. 29; Chen 1990, p. 169; Mader 1985, p. 78ss.

56 Mader 1985, p. 78ss (82).

57 Sur cette notion, voir Morand 1999, p. 125ss.

58 Morand 1999, p. 133.

59 Mintzberg 1994, p. 359.

60 Morand 1999, p. 155.

61 Delley 1993, p. 33.

62 Chen 1990, p. 143ss et 168ss et réf. cit.

63 Derlien 1976, p. 21 (cité in Mader 1985, p. 90).

64 Scriven 1991, p. 180.

65 Bussmann, Klöti, Knoepfel (éd.) 1998, p. 45.

66 Etzioni 1960 (cit. in Chen 1990, p. 173).

67 Chen 1990, p. 181ss.

68 Morand 1999, p. 153ss. Sur la notion de planification émergente, voir Flückiger 1999, p. 132ss et 1996, p. 268ss.

69 Jullien 1996.

70 François Jullien rappelle bien sûr la présence dans l’univers de la Grèce antique de cette inquiétante « intelligence rusée » qu’est la mètis et que les sophistes ont commencé à sillonner (Jullien 1996, p. 19). La Grèce a cependant été incapable de la théoriser et cette notion est restée « impensée » (ibid., p. 20). Explorer ce concept permettrait pourtant selon lui de se dégager du schéma du modèle posé en but pour son action (ibid., p. 222s).

71 Jullien 1996, p. 11.

72 Ibid., p. 24.

73 Ibid., p. 21. Voir ég. p. 13.

74 Ibid., p. 14.

75 Sur ce thème, voir Revue européenne des sciences sociales.

76 Jullien 1996, p. 28.

77 Ibid., p. 34.

78 Ibid., p. 36.

79 Ibid., p. 35.

80 Ibid., p. 220.

81 Ibid., p. 29.

82 Ibid., p. 29.

83 Ibid., p. 30.

84 Ibid., p. 227.

85 Li Chang cité par Chang Yu à propos du chap. V § 25 de Sun Tzu (Sun Tzu 1972, p. 130).

86 Jullien 1996, p. 29s.

87 Voir la notion de « plan-programme » dont nous avons décortiqué ailleurs la nature juridique (Flückiger 1996[b], p. 14ss).

88 Morand 1999, p. 76.

89 Ibid., p. 132.

90 Ibid., p. 160.

91 Morand 1996.

92 Sun Tzu, 1972, chap. V, ad § 19, p. 127.

93 Ibid. chap. VI § 28.

94 Jullien 1996, p. 109.

95 Ibid., p. 46.

96 Sun Tzu 1972, chap. I § 17 p. 95.

97 Jullien 1996, p. 163ss.

98 Sun Tzu 1972, chap. VI § 27 p. 137.

99 Jullien 1996, p. 229.

100 Morand 1999, p. 128.

101 Jullien 1996, p. 93s.

102 Ibid., p. 84ss, 224.

103 Ibid., p. 7.

104 Ibid., p. 145ss.

105 Mintzberg 1994, p. 359.

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Pour citer cet article

Référence papier

Alexandre Flückiger, « L’évaluation législative ou comment mesurer l’efficacité des lois »Revue européenne des sciences sociales, XLV-138 | 2007, 83-101.

Référence électronique

Alexandre Flückiger, « L’évaluation législative ou comment mesurer l’efficacité des lois »Revue européenne des sciences sociales [En ligne], XLV-138 | 2007, mis en ligne le 01 juillet 2010, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ress/195 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ress.195

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Auteur

Alexandre Flückiger

Faculté de Droit, Université de Genève

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