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Les trames vertes urbaines et l’adaptation au changement climatique : perspectives pour l’aménagement du territoire

François Bertrand et Guillaume Simonet

Résumés

Face à l’inéluctabilité des impacts liés au changement climatique (CC), il apparaît nécessaire d’adapter les milieux urbains avec l’objectif principal de réduire la vulnérabilité de leur territoire et de leur population. La végétalisation urbaine est une des actions les plus régulièrement mises en l’avant en matière d’« adaptation » aux effets du changement climatique, notamment pour lutter contre l’aggravation du phénomène d’îlots de chaleur urbain. À ce même titre, les Trames Vertes Urbaines (TVU) apparaissent comme des mesures possibles d’adaptation des villes au changement climatique, en contribuant également à la mise en place progressive d’un développement durable urbain. Néanmoins, la fabrique d’une ville viable doit répondre simultanément à de nombreux défis (en termes sociaux, énergétiques, écologiques, de résilience…), impliquant des approches transversales et intégrées, encore largement à inventer. En croisant les enjeux liés à la mise en œuvre de TVU et les impératifs d’une anticipation des effets du CC, cette contribution souhaite mettre en lumière des convergences identifiables entre ces objets d’action collective émergents, mais également les arbitrages délicats en termes de choix présents et futurs qu’implique toute action sur la ville.

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Texte intégral

Introduction

1L’article propose une réflexion sur les recouvrements possibles entre deux thématiques émergentes : les Trames Vertes Urbaines (TVU) et l’adaptation des systèmes urbains aux effets du changement climatique (CC).

2Le concept d’adaptation au changement climatique se retrouve désormais inscrit dans plusieurs textes législatifs aussi bien à l’échelle des négociations internationales, via le Programme de travail de Nairobi sur les impacts, la vulnérabilité et l’adaptation, qu’à l’échelle nationale à travers la floraison des Stratégies nationales d’adaptation ainsi qu’à l’échelle locale comme en témoignent les différentes politiques municipales climatiques mises en place dernièrement. Cependant, malgré les efforts scientifiques pluridisciplinaires mondiaux spécialisés sur la question visant à lui donner du contenu, regroupés notamment au sein du Groupe intergouvernemental des experts sur l’évolution du climat (GIEC), le concept d’adaptation dans le contexte du changement climatique reste en large part à construire et nécessite un travail à la fois sémantique, épistémologique et critique afin de mieux le resituer dans l’histoire des idées, des pratiques et des contextes locaux. Bien que ce travail n’entende pas être réalisé ici, cette contribution vise à esquisser quelques-unes des interrogations principales à garder à l’esprit dès lors que l’on entend faire participer les sciences sociales à ce concept.

3Les trames vertes urbaines renvoient à une déjà lointaine histoire des relations mouvementées entre « environnement » et « aménagement », tantôt marquée par la symbiose (les « cités jardins »), tantôt marquée par le conflit (entre « bétonneurs » et « défenseurs » de la nature, par exemple). Elles s’inscrivent dans le vaste projet de développement urbain durable, problématique qui entend articuler de façon harmonieuse « préservation de l’environnement » et « développement socio-économique », bien que les modalités de cette réconciliation restent mouvantes et sans cesse en débat derrière le mot d’ordre de l’« aménagement durable » (Bertrand, 2004). L’idée de mailler les espaces urbains de trames vertes permet de prolonger l’idée d’introduire de la nature en ville tout en développant de nouvelles fonctions contribuant à la préservation de la biodiversité. La problématique du changement climatique, et ses implications pour les milieux urbains, éclairent d’un jour nouveau le concept de TVU, en tant qu’élément de l’aménagement urbain. Sans faire l’histoire complète de l’idée de TVU, cette contribution entend relever certains de ses héritages les plus importants avant de tenter d’esquisser ses contributions potentielles dans la perspective d’une action face au changement climatique en milieu urbain.

4Dans un premier temps, la problématique de l’adaptation au CC et ses implications pour l’action territoriale sont présentées. Dans un second temps, le concept de Trames Vertes Urbaines (TVU), ses filiations et ses conséquences pour les politiques urbaines et de préservation de l’environnement sont également discutés. Ce faisant, les auteurs proposent ici un éclairage exploratoire et provisoire sur deux « objets d’action collective » relativement récents. En croisant les enjeux liés à la mise en œuvre de Trames Vertes Urbaines (TVU) et ceux liés à l’adaptation des systèmes urbains aux effets du changement climatique (CC), cet article souhaite enfin souligner les convergences identifiables entre ces objets d’action collective émergents, mais également certains effets secondaires négatifs, qu’il convient d’appréhender dans l’objectif de la fabrique d’une ville viable et désirable.

Action locale face au changement climatique

Rappels et contexte : adaptation, atténuation et transition, des enjeux imbriqués

  • 1  Cf. notamment les travaux de l’Association for the Study of Peak Oil and gas (ASPO - Association p (...)

5Le changement climatique d’origine anthropique issu de la « révolution thermo-industrielle », pour reprendre l’expression de Jacques Grinevald (1990) (accroissement brutal d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) provenant de la combustion de ressources fossiles nécessaires au développement socioéconomique de l’humanité), est en cours et rien ne semble faiblir la tendance (GIEC, 2007). Néanmoins, plusieurs changements brutaux de différents ordres virent également le jour au cours du XXe siècle, que l’on peut lier directement ou indirectement à la problématique climatique. L’explosion démographique mondiale jumelée à l’amélioration de la qualité de vie, l’urbanisation croissante de l’humanité due aux exodes ruraux massifs ou encore l’augmentation d’un mode de vie basé sur un cycle production/consommation de biens matériels sont autant de facteurs à l’origine d’une succession de crises mêlant notamment des enjeux environnementaux, sociaux et économiques à ceux de santé publique. Ajouté à cela, la dépendance de l’économie mondiale aux ressources énergétiques fossiles, parmi lesquelles le pétrole pour la majeure partie, laisse entrevoir des perspectives futures incertaines au cours d’une période de transition inévitable compte tenu de l’épuisement accéléré des réserves exploitables et du franchissement prochain, voire déjà en cours, du « peak oil »1.

  • 2  « Tant que la nature était lointaine et dominée, elle ressemblait encore vaguement au pôle constit (...)

6La nature comme la révélation du problème « climat » symbolise les nouveaux enjeux auxquels la crise écologique planétaire confronte l’humanité. Sans frontière, invisible et en partie imprévisible, le changement climatique anthropique acte également l’impossible distinction entre sciences et politiques, le politique étant littéralement « aveugle » sans l’appui des sciences pour fournir des données de caractérisation et de mesure du problème, donc en situation d’incapacité à définir seul une stratégie d’action. Nous sommes confrontés à ce que Bruno Latour nomme des entités hybrides (Latour, 1999), dont le mode d’existence et le répertoire d’action demeurent indéterminés : les perturbations environnementales comme le CC n’étant, à proprement parler, ni des choses naturelles ni des constructions sociales, mais d’une certaine manière les deux à la fois, puisque leur mode d’existence ressort simultanément à l’ontologie de l’agir humain et à celle des processus naturels qui échappent à tout contrôle humain2.

7Le changement climatique apparaît donc comme un objet hybride, interconnecté à plusieurs problématiques sociales, économiques et environnementales, mais qui semble néanmoins dominer actuellement les agendas politiques notamment par son caractère global et incertain. Les défis entraînés par le CC se révèlent donc multiples et entremêlés. Ils se situent de façon résumée, d’une part autour de la gestion des conséquences amorcées et à venir du dérèglement climatique sur les systèmes naturels et humains (adaptation), et d’autre part dans l’objectif d’une réduction des émissions de GES à travers une meilleure efficacité énergétique de la demande (atténuation) ; ce double défi s’imbriquant de manière concomitante avec celui de la transition énergétique inéluctable mondiale des ressources fossiles vers des ressources renouvelables.

8Historiquement, les réponses proposées pour faire face au CC se focalisèrent d’abord sur l’atténuation (ou mitigation), le volet portant sur ses causes, c’est-à-dire la réduction des émissions de GES. L’adaptation au changement climatique, volet s’occupant de ses conséquences, émergea lentement au niveau des négociations internationales à la faveur des pays les plus vulnérables soucieux de faire valoir une « justice climatique » en regard de leur contribution historique au phénomène face aux pays les plus émetteurs de GES. Les confirmations progressives de l’implication des activités humaines sur le bouleversement du système climatique et l’accélération des études portant sur les impacts subis et appréhendés suite à des changements dans la fréquence et l’ampleur de la variabilité climatique ancrèrent les actions d’adaptation comme des réponses nécessaires et complémentaires du fait du caractère inéluctable de la problématique.

9À l’image des débats au niveau des négociations internationales portant sur l’importance à accorder à la gestion de la vulnérabilité de certaines régions du monde face aux impacts du CC, l’adaptation fut d’abord perçue comme un enjeu de discorde, voire comme un concurrent direct en termes d’investissement financier face à la mise en place de mesures portant sur l’atténuation. Cependant, stimulées par des résultats exposant l’accélération du CC anthropique, les contributions scientifiques de ces dernières années s’accordent sur la nécessité d’associer des mesures portant sur les deux volets à travers une réponse intégrée, multiscalaire, spatiale et temporelle, mêlant également en arrière-plan l’objectif d’atteindre un mode de développement durable. D’ailleurs, le changement climatique constitue lui-même le symbole d’une crise écologique globale dénoncée dès le rapport Meadows (1972) et constitue un enjeu historique du développement durable (Bertrand, 2007). Dans cette optique, l’adaptation et l’atténuation n’apparaissent pas comme deux volets séparés, mais plutôt comme partiellement intégrés dans une réponse unique, systémique et interdisciplinaire face à la problématique climatique, dans laquelle se mêlent, parmi d’autres, des enjeux liés à la transition énergétique globale, dans un cadre délimité par le concept de développement durable.

L’adaptation au CC : quelques éclaircissements préliminaires

10Après une reconnaissance lente mais croissante dans les négociations internationales portant sur les actions à mener pour lutter contre les changements climatiques, l’adaptation aux changements climatiques investit désormais pleinement la littérature scientifique, d’abord anglophone depuis le début du siècle, puis francophone plus récemment. Qu’elles traitent d’aspects conceptuels ou de cas d’études, les réflexions ne cessent de fleurir au point que « l’adaptation » est en passe de devenir le principal objet d’attention dans le cadre des réflexions sur l’action face au CC (Schipper, 2006).

11L’adaptation aux changements climatiques est pourtant un concept loin d’en avoir terminé avec les efforts dirigés vers la tentative d’en définir clairement les contours, notamment en vue de faciliter son opérationnalisation sur le terrain. Parmi les difficultés rencontrées à ce dessein, le terme « adaptation » lui-même est condamné à poser d’ « effrayantes » questions (Cuénot, 1925), en particulier de par la dualité sémantique qui le caractérise (Cf. chapitre Simonet & Blanc). En effet, l’adaptation, concept utilisé de manière multidisciplinaire, est à la fois un processus continu dans le temps et un état figé par la perception temporelle humaine, rendant la compréhension de ses multiples dimensions délicate (Simonet, 2009).

12En vue de contribuer à l’opérationnalisation d’actions favorisant l’adaptation aux CC, entre autres choses par l’élaboration de politiques publiques à cet effet, l’effort de recherche favorisa tout d’abord le développement de modèles climatiques. En effet, la science du climat étant à l’origine des premiers rapports scientifiques sur l’état climatique de la planète, les résultats issus des modèles climatiques aidèrent dans un premier temps à établir une cartographie de la teneur des impacts que les systèmes naturels et humains allaient subir en fonction des scénarios socioéconomiques choisis. Aujourd’hui, les avancées en matière de représentations climatiques futures, qui tendent à s’affiner à l’échelle régionale, permettent une progression dans l’identification de la nature des impacts futurs à appréhender, à défaut de mal cerner leur ampleur, leur durée et leur fréquence.

13Toutefois, l’incorporation des extrapolations des modèles dans l’élaboration de politiques d’adaptation n’est pas encore complètement satisfaisante (Dessai, 2009), en partie du fait des lacunes liées au manque de prise en compte des autres connaissances produites à différentes échelles, par différentes disciplines et par différentes méthodologies (Koch et al., 2007). Ces insuffisances ont favorisé l’émergence d’une approche basée sur l’identification des vulnérabilités socioéconomiques des territoires et des populations face aux aléas climatiques intégrant des facteurs sociaux et territoriaux qui déterminent l’habileté à s’adapter (Füssel, 2007). Les politiques d’adaptation apparaissent ainsi être optimales lorsqu’élaborées à la conjoncture d’informations sur la vulnérabilité des territoires et des populations concernées issues à la fois des résultats des projections climatiques et des analyses locales des vulnérabilités. Le croisement de ces deux approches descendante (« top-down ») et ascendante (« bottom-up ») est représenté sur la figure suivante (Figure 1).

Figure 1. Les approches utilisées dans les analyses de vulnérabilité des territoires et des populations face au changement climatique dans l’élaboration des politiques d’adaptation.

Figure 1. Les approches utilisées dans les analyses de vulnérabilité des territoires et des populations face au changement climatique dans l’élaboration des politiques d’adaptation.

Légende : L’approche « top-down » utilise le développement de modèles climatiques à partir de scénarios socioéconomiques projetés pour estimer les impacts sur les territoires, et les vulnérabilités qui en découlent (la vulnérabilité du territoire étant ici conçue comme un « point d’arrivée » de l’analyse). En prenant en compte les expériences passées et l’état de la capacité d’adaptation selon différents indicateurs (ressources économiques, infrastructures, technologie, équité…), l’approche « bottom-up » estime la vulnérabilité d’un territoire et de ses populations à partir de sa capacité adaptative (la vulnérabilité étant ici conçue comme un « point de départ »). Le recoupement des deux sources d’information doit permettre optimalement de fournir les informations nécessaires à l’élaboration de politiques d’adaptation.

Source : schéma adapté de Dessai et Hulme (2004).

14Il n’en reste pas moins que l’adaptation aux changements climatiques, compte tenu de l’imbrication de la problématique avec d’autres évolutions socioéconomiques et environnementales, soulève de nombreuses interrogations. En effet, à quoi faut-il s’adapter ? À une évolution des conditions climatiques moyennes ?

15Aux répercussions du CC sur les extrêmes, incluant la variation des « valeurs extrêmes des paramètres climatiques », les « risques naturels » classiques (pour lesquels « l’effet du changement climatique global sur ces événements n’est pas clair (…) ») et les « grandes ruptures » (« dont on soupçonne que la menace s’accroîtra si l’accumulation dans l’atmosphère de GES se poursuit ») (Bourrelier & Dunglas, 2009) ?

16À une généralisation et un élargissement des politiques climat-énergie aux multiples effets sur l’économie, la gestion des ressources, les pratiques et les valeurs ?

17On saisit bien que suivant les objectifs assignés à l’adaptation, les stratégies envisagées divergent sensiblement. Et au-delà, y a-t-il une visée systémique à s’adapter à « tout en même temps », c’est-à-dire à adapter les systèmes anthropiques au contexte à la fois climatique, énergétique voire à la capacité de charge terrestre en termes de ressources naturelles, le tout se situant dans un objectif de développement durable ? L’action publique locale face au CC doit-elle intégrer dans un même élan toutes ces considérations, au risque de devenir, à l’instar du développement durable, un révélateur des tensions à l’échelle des territoires (Bertrand, 2007) ? Concernant les milieux urbains, l’opérationnalisation des politiques de développement durable rencontre d’importantes difficultés du fait de l’aspect « concept valise » aux nombreuses interprétations, parfois contradictoires (Hamman et Blanc, 2009). Les difficultés d’interprétation reliées au concept d’adaptation vont-elles se rajouter à cette confusion ou faut-il y voir des éléments qui peuvent entraîner une éclaircie quant à l’optimisation de mesures socialement acceptables, écologiquement efficaces et économiquement viables ?

18Il n’en reste pas moins que malgré les interrogations encore nombreuses autour du concept d’adaptation et le contexte d’incertitude climatique dans lequel il se situe, les prises de décision semblent prendre le chemin du principe de précaution, éclairé par les connaissances déjà rassemblées sur la problématique climatique. C’est entre autres à cette faveur que les TVU sont venues au devant de la scène des politiques environnementales municipales, souvent présentées comme des actions phares d’adaptation au changement climatique en milieu urbain. Ce dernier, qui accueille désormais la majorité de la population mondiale, apparaît comme particulièrement vulnérable aux impacts liés au CC, notamment par la densité de population et les activités économiques accueillies (Wilbanks et al., 2007). Il n’en reste pas moins que la place et le rôle des TVU soulèvent à leur tour de nombreuses questions, notamment concernant leur articulation avec les dimensions inhérentes au concept d’adaptation, dans un contexte de changement climatique en milieu urbain.

Les Trames Vertes Urbaines

Les Trames Vertes Urbaines à l’intersection entre environnement et aménagement ?

  • 3  À l’image des cités jardins anglaises par exemple ou plus récemment, en France, de la politique de (...)

19Le projet d’aménager le(s) territoire(s) urbains comprend une intégration de la « nature »3. Les contributions scientifiques sur les Trames Vertes et Bleues (TVB) (Cormier et Carcaud, 2009 ; Clergeau, 2007) soulignent le rôle de certains chantiers entrepris à partir du XIXe siècle pour incorporer la nature en ville et en pallier les effets négatifs. Ainsi, les parcs, squares, avenues-promenades et autres bois urbains avaient pour finalité initiale de favoriser une meilleure circulation des personnes et des biens tout en améliorant l’hygiène et l’esthétisme urbain (Donadieu, 2003). Un des précurseurs en la matière fut l’architecte paysagiste Frederick Law Olmsted, considéré par les chercheurs en la matière comme le père des « greenways », notamment par le développement entrepris d’un système de parcs continus à Boston (Cormier et Carcaud, 2009). Pour autant, les relations entre aménagement et environnement, si elles sont imbriquées de fait autour de la même idée d’améliorer le cadre de vie (en le préservant ou en l’aménageant), ont été perçues dans les années 1970 et 1980 d’une manière beaucoup plus antagoniste, entre « bétonneurs » et « défenseurs de la nature » (Lacour, 1995). Dès lors, le projet d’aménager le(s) territoire(s) s’est retrouvé tiraillé entre le ménagement (préservation de l’environnement) et l’emménagement (équipement, polarisation et organisation) de ces territoires.

  • 4  Une réelle attente de proximité de nature en ville s’exprime au cœur des villes. Nombreuses sont l (...)

20L’idée de remettre au goût du jour des TVU apparaît dans cette dynamique comme un prolongement du rêve d’une « ville nature », rêve pour ainsi dire consubstantiel de l’idée d’urbanisme, depuis les « cités jardins » du début du XXe siècle (Champeaux, 2007). Néanmoins, l’objectif d’introduire de la « nature » en ville repose largement sur les images stéréotypées d’une nature bonne et d’une ville parée de tous les vices (violence, pollution ou encore perte de lien) et demeure problématique à plusieurs niveaux. Comment s’y prendre ? Faut-il implanter la ville à la campagne ou l’habiller de verdure ? Entre périurbanisation non maîtrisée et simple verdissement des formes urbaines, l’idée de TVU viendrait témoigner d’une volonté de dépassement de cette apparente dualité, en proposant un modèle spatial inspiré de l’écologie du paysage et de la complexité des écosystèmes. Ce faisant, les TVU participent à un mouvement plus large de réintroduction de la nature en ville, qui entend au niveau symbolique marquer une nouvelle étape dans la réconciliation tant attendue des rapports homme/nature. Ce mouvement vient en quelque sorte à contre-courant d’une période récente largement marquée par le modèle de la « ville minérale » à laquelle s’opposait volontiers celui de la « ville végétale ». Bien avant des préoccupations d’ordre climatique, biologique ou encore énergétique, ce mouvement repose avant tout sur l’idée de la nécessité d’un accès direct à des espaces de nature dans le quotidien des citadins4 (Clergeau, 2007, Boutefeu, 2005).

  • 5  Projet « Évaluation des trames vertes urbaines et élaboration de référentiels : une infrastructure (...)

21Pour la suite de notre propos, il conviendra de garder à l’esprit la distinction entre la simple végétalisation de la ville (murs et toits végétalisés, espaces « verts ») d’une planification écologique plus ambitieuse sur laquelle repose l’idée de TVU. Nous ne chercherons pas ici à travailler à la définition de la trame verte en tant que telle, car d’une part, une trame verte n’est pas systématiquement végétalisée (plage et falaise sont autant d’éléments pouvant composer une trame verte) et d’autre part, parce que tout aménagement paysager ne participe pas nécessairement à la constitution d’une trame verte. Cependant, la définition succincte que nous retiendrons se réfère à celle proposée par le programme de recherche « Trame Verte Urbaine »5 : « La trame verte est un outil d’aménagement du territoire, constitué de grands ensembles naturels et de corridors les reliant ou servant d’espaces tampons. La trame verte est un projet de maillage vert qui met en connexion des chemins, des haies ou des canaux sous forme de corridors qui permettent les flux d’espèces animales et végétales. »

Quels changements pour l’aménagement ?

22Du point de vue des dynamiques spatiales et avec un certain recul historique, on peut également constater que les TVU actent l’inversion du rapport entre espaces naturels et espaces anthropisés. En effet, alors qu’historiquement, les « cœurs » d’activités humaines (villages, bourgs, villes) étaient reliés par des « corridors » (chemins, routes) au milieu d’espaces peu ou pas anthropisés, notre époque moderne voit ce rapport s’inverser puisqu’il s’agit de préserver des « cœurs de biodiversité » reliés entre eux par des « corridors écologiques », noyés au milieu d’espaces urbanisés. L’idée de TVU paraît associée à un degré inédit d’artificialisation et de pressions anthropiques sur les milieux et les espèces naturels. C’est en réponse à la fragmentation et donc à la réduction de la taille moyenne des espaces naturels par la multiplication des coupures physiques (augmentation continue de l’artificialisation des sols et densification du maillage des réseaux de transport) que l’idée de préserver des continuités spatiales entre espaces naturels a trouvé sa pertinence.

23Pour l’aménagement du territoire, les TVU, mais également les « Trames Bleues », marquent pour les politiques de protection le passage d’une logique spatiale « surfacique » (par le zonage notamment) à une approche de type réticulaire. Celle-ci se caractérise par un modèle en réseau axé sur l’importance des interconnexions entre les nœuds (ou « cœur »), concentrant une diversité biologique. En termes de politiques publiques, les TVU s’intègrent dans des politiques de conservation et de préservation des espaces naturels, mais également de préservation de la biodiversité. En termes d’outils, cela se traduit par le passage des concepts de « réserve », « poumon vert » ou « ceinture verte », plutôt inscrits dans une logique de zonage parcellaire ou concentrique, à l’idée de « corridor écologique » favorisant l’interconnexion et l’échange entre parcelles de biodiversité préservée.

  • 6  « Sa structure n’est pas figée : il s’agit d’une mosaïque vivante assemblant différents stades de (...)

24Dès lors, les TVU partent du principe d’être une infrastructure écologique qui produit et supporte des « services écologiques », planifiées géographiquement sous la forme d’un réseau. Cependant, une des difficultés pratiques pour l’aménagement demeure justement dans l’établissement spatial des limites de ces TVU, notamment en milieu urbain. Idéalement, l’emprise spatiale d’une TVU serait évolutive dans le temps et dans l’espace, et pourrait être temporaire6, autant de caractéristiques qui ne s’accommodent guère avec des situations de foncier urbain sous pression.

  • 7  Bonnin propose ainsi de définir le réseau écologique comme l’ensemble des milieux qui permettent d (...)
  • 8  Sous le titre, « Une vision partagée pour la biodiversité », on peut lire en annexe du rapport de (...)
  • 9  Le Comité opérationnel Trame Verte et Bleue du Grenelle de l’environnement souligne la dimension m (...)

25En termes de politique de préservation de l’environnement, les TVU viennent marquer un changement de référentiel, actant des limites de politiques uniquement centrées sur des espaces d’exceptions, mais enclavés. Elles marquent le passage à une autre logique de conservation, où ce n’est pas tant le couple milieux/espèces, lié à un espace précis, mais bien la richesse et la diversité biologique que l’on cherche à protéger, en assurant ses capacités de reproduction.L’espace n’est plus seulement un milieu exceptionnel à conserver, mais aussi un vecteur de déplacement7 (Bonnin, 2007). Une certaine distinction peut ainsi s’opérer entre espaces préservés : les milieux exceptionnels (support, cœur de biodiversité) et les corridors (passerelles entre les cœurs). Il y a donc le passage vers d’autres logiques de protection : il n’est plus uniquement question de préserver des espaces ou des paysages remarquables pour leur caractère « intact » ou « exceptionnel », mais bien également de maintenir les capacités des écosystèmes à fournir des « services écologiques » indispensables à la vie humaine. Ce faisant, c’est aussi une vision utilitariste de la biodiversité, au service des besoins humains, qui s’exprime ici. Il s’agit donc d’intégrer une perspective dynamique, permettant la reproduction des conditions de fourniture de ces services, via la préservation de « la capacité évolutive des processus écologiques » : l’objectif est alors de préserver la biodiversité à la fois « remarquable » et « ordinaire », dans son ensemble8. En termes d’échelles, la TVU en tant que concept réticulaire peut se décliner de façon fractale du niveau intercontinental à celui du quartier9. C’est d’ailleurs en partie ce qui s’observe sur les schémas de gestion de la faune et de la flore qui s’interconnectent à différentes échelles.

Les TVU dans la perspective d’une adaptation au changement climatique

Quelle forme urbaine idéale ?

  • 10  Un rapport du Conseil Economique et Social consacré à la « nature en ville » mentionne qu’une majo (...)
  • 11  « Dans une étude des facteurs de risques de décès des personnes âgées résidant à domicile durant l (...)

26Préliminairement, il convient de rappeler le débat opposant un modèle de ville compacte et multifonctionnelle propice à la sobriété énergétique (déplacement, chauffage) à un modèle de ville étalée, supposée plus énergivore, notamment du fait de la part excessive de l’automobile dans la mobilité. Prises de manière simplifiée, il est possible d’opposer ces deux formes urbaines idéales : la ville compacte d’un côté et la ville nature ou ville parc de l’autre, cette dernière forme bénéficiant d’un jugement a priori plus favorable10 (CES, 2007). Bien que cette opposition demeure en partie illusoire (l’imbrication quartiers denses et espaces de nature dans une même forme urbaine est possible), elle permet une lecture de ces deux modèles de ville au regard des enjeux du CC : si la forme compacte semble plus économe énergétiquement, l’augmentation de densité des espaces urbains peut aussi en accroître la vulnérabilité à certains épisodes climatiques et concentrer les enjeux (est-ce pour autant que les risques face au CC augmenteraient ?). Une étude de l’INVS a ainsi souligné que les villes denses étaient plus vulnérables à certains épisodes climatiques extrêmes11 (Ledrans & Isnard, 2003).

27Dès lors, le développement de TVU, impliquant une certaine emprise spatiale, s’opposerait à la tendance à la densification des tissus urbains, et contribuerait donc, dans cette logique, à freiner la réduction des émissions de GES par habitant. Inversement, le développement des TVU aurait des effets « climatisant » (« îlots de fraîcheur »), amenuisant les conséquences des vagues de chaleur. Dans ce cadre très schématique, les TVU s’opposeraient aux politiques de lutte contre le changement climatique, en ce qui concerne la réduction de GES en termes d’efficacité énergétique, mais pas aux politiques d’anticipation des effets du CC (volet adaptation).

  • 12  L’analyse approfondie des pratiques socio-spatiales des individus et des ménages indique ainsi que (...)
  • 13 « L’effet rebond est généralement défini comme une réduction des gains de l’efficacité (typiquement (...)
  • 14  Alors que les facteurs techniques (contenu en CO2 de l’énergie consommée, mais surtout l’intensité (...)

28Cependant, les débats sur les formes urbaines à la fois énergétiquement sobres et résilientes ne peuvent se résumer à cette opposition artificielle entre « ville dense » et « ville nature », notamment car ils doivent être relativisés par l’étude des usages et des comportements, qui nuancent certaines certitudes « morphologiques »12 (Orfeuil et Solleyret, 2002). Dès lors, décréter l’existence d’une forme urbaine idéale, énergétiquement optimale et présentant une résilience théoriquement adéquate aux risques associés au CC, s’avère un exercice des plus délicats. En effet, si les formes et la nature des enveloppes (habitats) et des infrastructures urbaines (tissus urbains) jouent à l’évidence un rôle central, celles-ci ne peuvent être correctement saisies sans la compréhension de leurs usages et leurs pratiques. Les seules réponses structurelles, typiquement morphologiques ou même seulement technologiques aux défis climatiques en milieu urbain ne sauraient automatiquement être efficaces une fois implantées sur le terrain. Sur ce point, les possibles « effets rebond » qu’elles peuvent entraîner doivent être analysés13. Un rapport du Commissariat général au développement durable de 2010 souligne l’importance de ce phénomène de « report » des consommations, annulant largement les gains en matière de réduction des GES (CGDD, 2010)14. C’est dans ces dimensions que les sciences humaines et sociales peuvent apporter leur pierre à l’édifice d’une connaissance accrue sur les réponses à imaginer pouvant répondre à la fois aux défis énergétiques et de vulnérabilités, soit en quelque sorte, aux volets atténuation et adaptation de politiques de lutte contre le changement climatique.

La biodiversité, une entrée commune pour associer TVU et adaptation au changement climatique ?

29Historiquement, le CC comme la biodiversité ont bénéficié d’une reconnaissance concomitante en tant qu’enjeux communs de l’humanité, via notamment leur inscription comme problème planétaire nécessitant une action collective au sommet de la Terre à Rio (1992), où la Convention Cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) et la Convention sur la Diversité Biologique ont été ouvertes à signature. En outre, ces problèmes à l’échelle de la planète s’immiscent jusque dans l’action locale, venant potentiellement largement modifier les référentiels, notamment spatio-temporels, selon lesquels sont pensées les actions sur et par les territoires.

  • 15  Les îlots de fraîcheur créés par des programmes de végétalisation accrue ont déjà montré leur perf (...)

30En termes d’adaptation aux effets du changement climatique et concernant la biodiversité, les apports entre l’option d’une simple végétalisation de la ville et celle de mailler le système urbain par une trame verte sont différents. Si la végétalisation de la ville peut être vue comme une réponse visant à modérer les événements climatiques extrêmes sur la population et les activités, notamment les épisodes caniculaires à travers l’amélioration du confort thermique par le biais d’instauration d’« îlots de fraîcheur »15, les TVU quant à elles peuvent apporter, outre une climatisation localisée des tissus urbains (« îlots de fraicheur ») similaire à la végétalisation, une réponse partielle à moyen et long terme à l’évolution des conditions climatiques moyennes en permettant l’évolution géographique des aires de répartition d’espèces floristiques et fauniques, et de ce fait, contribuer à assurer la préservation de la diversité génétique. En schématisant, on peut donc distinguer des apports différenciés au regard des enjeux de l’adaptation au CC en termes d’échelles spatiales et temporelles : immédiats et ponctuels en réponse à des événements climatiques extrêmes en ce qui concerne la végétalisation, alors que les TVU, au-delà de ces contributions ponctuelles, permettraient également d’amoindrir les effets à plus long terme de variations climatiques moyennes, sur des espaces plus vastes.

31Enfin, du point de vue de l’action locale en termes d’adaptation, encore largement balbutiante, il est intéressant de constater que la biodiversité semble représenter une des premières « portes d’entrée » pratiquées, sans doute car celle-ci permet d’aborder localement la question de l’adaptation aux effets du changement climatique sans connotation négative, angoissante ou rattachée à des notions proches de la fatalité ou du « rien faire » que le thème de l’adaptation peut souvent spontanément comporter (Schipper, 2006). C’est sans doute, car des « doubles dividendes » peuvent apparaître intuitivement. À titre d’illustration, la plaquette de présentation du Plan Climat de la Communauté d’Agglomération de Tour(s)Plus consacre deux pages sur l’année de la biodiversité (2009 : 14-15). Après avoir rappelé la place des espaces naturels dans le plan climat et l’utilité d’une Trame Verte et Bleue (TVB) pour la préservation de la faune et de la flore, sont listées les contributions des espaces composant la TVB pour « lutter contre le réchauffement climatique et ses conséquences ». Parmi les sept items, trois concernent l’atténuation (stockage du carbone, régénération et dépollution de l’air, limitation des intrants) et quatre l’adaptation (diminution de la température et des phénomènes de sécheresse, limitation du ruissellement et fixation des sols, amélioration de la gestion du risque d’inondation, offre d’ombrage et atténuation des nuisances sonores), renvoyant à des gains en termes de gestion des risques (sécheresse, inondation) et de confort urbain (température, bruit). Cette large place accordée à l’adaptation est d’autant plus surprenante qu’il n’en est guère question dans le reste du document (Communauté d’agglomération de Tour(s)Plus, 2009) ni dans les actions envisagées en lien avec le CC.

Le croisement des actions d’adaptation et de développement de TVU : le cas de la lutte contre les Îlots de Chaleur Urbains (ICU)

  • 16  Cf. à titre d’illustration les travaux du projet « Chaleurs Urbaines » (École Nationale Supérieure (...)

32Parmi les actions d’adaptation des villes face aux effets du changement climatique, on retrouve très fréquemment la lutte contre les Îlots de Chaleur Urbains (ICU). Ceux-ci constituent un cas pratique riche puisque l’ICU peut être considéré comme un effet du changement climatique, bien que ce phénomène d’élévations des températures des milieux urbains préexiste en tant que tel, avant même la reconnaissance scientifique du phénomène de changement climatique d’origine anthropique. En effet, caractérisé par un dôme d’air plus chaud couvrant la ville, l’ICU est d’abord la manifestation de la hausse de température engendrée par les caractéristiques physiques (bâti, revêtement, etc.) et les activités concentrées de la ville. L’ICU est avant tout défini par la différence de température existant entre les secteurs centraux d’une agglomération et ses secteurs périphériques. Aujourd’hui, l’ICU est un phénomène potentiellement aggravé par les modifications de la variabilité climatique associées à l’effet de serre anthropogénique, devenant même un indicateur local du phénomène. Et il est souvent présenté comme un enjeu emblématique des effets locaux du changement climatique pour les systèmes urbains. On peut effectivement le considérer comme emblématique en ce qu’il résulte à la fois des conséquences passées à l’échelle locale (urbanisation, concentration) et globale (émissions historiques de GES, cause du CC actuel). Dans la perspective d’une compréhension plus fine des impacts des vagues de chaleur sur les tissus urbains, l’ICU est également appréhendé à différentes échelles urbaines (microclimats urbains appréhendés aux échelles du quartier, de l’îlot, de la rue, etc.)16. Dans ce cadre, la question de savoir où se placent les TVU dans l’aménagement urbain doit intégrer et les orientations en termes de densification afin qu’elles puissent participer efficacement à la lutte contre le changement climatique et les contributions « rafraîchissantes » sur les microclimats urbains (maillage des tissus urbains en termes d’îlots de fraîcheur par exemple) afin de contribuer également à l’adaptation des villes aux effets du CC.

Éléments de discussions et conclusion

  • 17  Un exemple facilement identifiable est celui du phénomène d’embourgeoisement associé à l’établisse (...)

33En termes d’adaptation, il convient de se prémunir des risques de maladaptation, c’est-à-dire des actions conçues pour une situation qui n’arrive pas ou qui s’opère de manière opposée à des objectifs de réduction de GES. Bien que la maladaptation ne soit pas définie dans le IVe et dernier rapport du GIEC (2007), elle peut être définie comme la résultante d’actions ostensiblement prises pour éviter ou réduire la vulnérabilité des populations ou des territoires face aux impacts du changement climatique, mais qui finissent elles-mêmes par comporter des impacts négatifs ou qui participent à augmenter la vulnérabilité d’autres systèmes, groupes sociaux ou secteurs économiques (Barnett J. et O’Neil, S. 2010). Les maladaptations peuvent prendre la forme de risques indirects d’ordre technique (conséquences sur l’augmentation de la vulnérabilité d’un réseau en particulier ou accroissement d’émissions de GES), d’ordre sanitaire (comme l’apparition d’allergènes ou de vecteurs de parasites), mais elles peuvent également être d’ordre politique ou social. À ce titre, et pour recentrer notre propos, notons que l’instauration de TVU dans certains quartiers urbains peut potentiellement devenir un facteur d’aggravation d’inégalités sociales ou peut participer à des sentiments d’insécurité de la part d’une partie de la population17.

34L’opérationnalité de la TVU au regard de l’action locale face au CC mérite donc d’être analysée dans le détail. C’est ce que propose la matrice d’analyse ci-dessous croisant, d’une part différentes échelles d’action (de la région urbaine au bâtiment) et des types d’interventions associés (TVU et végétalisation) et d’autre part, les différents registres d’action en lien avec le CC (adaptation, atténuation, transition). Au croisement sont listés différents effets potentiels, en termes de gains ou de risques potentiels (positifs ou négatifs) (Tableau 1).

Tableau 1. Synthèse des croisements envisagés entre changement climatique et trame verte urbaine/végétalisation à différentes échelles urbaines

Tableau 1. Synthèse des croisements envisagés entre changement climatique et trame verte urbaine/végétalisation à différentes échelles urbaines

Crédit : François Bertrand, 2010

35La matrice présentée se veut un support graphique dans l’objectif de discuter de l’opérationnalité du concept de TVU en vue d’une mise en pratique au regard des enjeux climatiques et énergétiques. En soulignant les gains, mais aussi les effets secondaires potentiels (sanitaires, sociales, énergétiques…), elle illustre la nécessité, mais aussi les difficultés à concevoir des actions d’adaptation intégrées, multi-échelles et transversales.

36Si l’option de végétalisation, et dans une moindre mesure, l’idée de TVU semble actuellement composer des éléments dans la fabrique d’une ville viable répondant aux enjeux du développement durable, leurs opérationnalisations sur le terrain nécessitent néanmoins des mises en cohérences. Ainsi, l’intégration des enjeux à la fois d’atténuation et d’adaptation et ce, dans une harmonisation entre les différentes échelles (microclimats, ensemble urbain, aire de répartition des espèces…), semble primordiale pour éviter des effets rebonds préjudiciables. De même, la question des usages des TVU demeure ambivalente (s’agit-il d’espace pour la nature « sauvage » ou pour l’usage de « nature »), potentiellement conflictuelle (avec et entre d’autres usages possibles -récréatif, énergétique, agricole…) et mérite à ce titre des approfondissements.

37Les questions pratiques dans le choix des espèces végétales à sélectionner (selon quel pas de temps ?) et dans la forme de la gestion technique (généralisation de la « gestion différenciée » ?) que les besoins écologiques demanderont sont autant de facteurs à ne pas négliger, qui nécessitent des savoirs spécifiques et qui peuvent être bonifiés par des échanges et des retours d’expériences. La question des indicateurs écologiques permettant de mesurer l’efficacité des TVU, notamment en ce qui concerne la protection de la biodiversité, mais également les effets sur les microclimats urbains ou encore l’évaluation des risques sanitaires potentiellement évolutifs, demeure un des points névralgiques dans l’établissement de toute intervention urbaine comportant des formes végétalisées. Les disciplines proches de l’urbanisme et de l’aménagement intégré des territoires sont appelées à participer à l’effort visant à ce que l’établissement de TVU accompagne des préoccupations urbaines émergentes telles que le confort (interrelation du confort thermique, sanitaire, visuel, auditif, etc.) et l’habitabilité des espaces. Par ailleurs, l’impact microclimatique potentiel en termes de rafraîchissement urbain que peuvent apporter les TVU nécessite des approches fines, quantitatives et qualitatives, sur les tissus urbains (thermographie, réseau d’ilots de fraîcheur, etc.).

  • 18  Cet auteur propose de classer les différents enjeux couverts par la problématique du développement (...)

38De nombreux bienfaits peuvent être associés à la mise en place de TVU, à la fois d’ordre morphologique, écologique, esthétique ou encore associé à l’idée générale d’un bien-être urbain. En effet, les gains potentiels des TVU renvoient tout à la fois à la santé individuelle (pollution atmosphérique), à l’amélioration du cadre de vie (esthétique et accès aux espaces de nature), jusqu’à une échelle plus globale quant à la nécessité du maintien de la diversité génétique biologique et des conditions de reproduction des êtres vivants. En ce sens, la planification de TVU peut-être considérée comme une action renvoyant tout à la fois au « survivre ensemble » et au « mieux vivre ensemble », pour reprendre une distinction dans les registres d’action du développement durable proposée par Jacques Theys (2000)18. C’est dans ce prolongement conceptuel que les TVU pourraient s’inscrire à l’intersection entre les actions répondant à la problématique et à l’urgence climatique (adaptation) qui nécessite des modifications à plusieurs niveaux de conceptions (matériels et cognitifs), et celles répondant à la mise en œuvre du développement durable urbain dans l’objectif de la fabrique d’une ville « viable », socialement acceptable, écologiquement responsable et économiquement viable. Néanmoins, le recoupement dans la pratique entre développement urbain durable et action face au CC n’est ni évident, ni automatique, et nécessite un investissement cognitif volontaire.

39Pour finir, nous pouvons noter que si la mise en œuvre des TVU nécessite des approches multidisciplinaires et multi-échelles, elle nécessite également des arbitrages indispensables en lien avec plusieurs questionnements à dimensions collective et politique fortes (que fait-on de l’espace rare ? du flux lumineux proportionnellement plus rare par habitant selon la forte densité ?). Nul doute que les choix qui seront effectués relanceront d’anciens ou de nouveaux débats en lien avec la densité et la taille des ensembles urbains (quelle densité viable ? quel seuil de démographie urbaine souhaitée et souhaitable ?), dont les termes sont déjà profondément modifiés si l’on se place dans une perspective de transition énergétique rapide (concomitance des objectifs de réduction majeure des émissions de GES pour les pays développés -réduction de 20 % d’ici 2020, de 75 % d’ici 2050- et d’épuisement des énergies fossiles) remettant les options de relocalisation et de circuits courts sur le devant de la scène. Plus qu’une solution clé en main, la TVU deviendrait alors davantage un nouvel élément permettant d’interroger et de mettre en débat les formes souhaitées et souhaitables d’une ville viable, entendue comme désirable pour tous.

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Notes

1  Cf. notamment les travaux de l’Association for the Study of Peak Oil and gas (ASPO - Association pour l’étude des pics de production de pétrole et de gaz naturel)[site d’ASPO International : http://www.peakoil.net/, site d’ASPO France : http://aspofrance.org/]

2  « Tant que la nature était lointaine et dominée, elle ressemblait encore vaguement au pôle constitutionnel de la tradition. Elle semblait en réserve, transcendante, inépuisable, lointaine. Mais où classer le trou de l’ozone, le réchauffement global de la planète ? Où mettre ces hybrides ? Sont-ils humains ? Humains puisque c’est notre œuvre. Sont-ils naturels ? Naturels puisqu’ils ne sont pas de notre fait. Sont-ils locaux ou globaux ? Les deux. » (Latour, 1991 : 72)

3  À l’image des cités jardins anglaises par exemple ou plus récemment, en France, de la politique des Parcs Nationaux puis des Parcs Naturels Régionaux lancée et portée par la Datar.

4  Une réelle attente de proximité de nature en ville s’exprime au cœur des villes. Nombreuses sont les enquêtes qui soulignent cette forte demande sociale de nature dans la ville (Clergeau, 2007). Par exemple, l’enquête menée par Emmanuel Boutefeu, sur la demande sociale de nature en ville dans l’agglomération Lyonnaise, révèle une forte attente de nouveaux espaces de proximité de la part des citadins, ainsi qu’un usage soutenu des parcs urbains (Boutefeu, 2005).

5  Projet « Évaluation des trames vertes urbaines et élaboration de référentiels : une infrastructure entre esthétique et écologie pour une nouvelle urbanité » (Programme ANR « Ville Durable » 2009-2012) http://www.trameverteurbaine.com/spip.php ?rubrique7 consultée en octobre 2010

6  « Sa structure n’est pas figée : il s’agit d’une mosaïque vivante assemblant différents stades de développement de différents habitats, évoluant dans le temps et l’espace. (…) Elle s’apprécie aussi à l’échelle du temps, certains corridors ne remplissant leur fonction qu’à certaines époques de l’année (ex. : corridors de migration pour les amphibiens, poissons migrateurs), ou lors de migrations imposées par des aléas climatiques. » Extrait de la page « Foire aux questions-réponses » du site internet du projet « Évaluation des trames vertes urbaines et élaboration de référentiels : une infrastructure entre esthétique et écologie pour une nouvelle urbanité » (Programme ANR « Ville Durable » 2009-2012) http://www.trameverteurbaine.com/spip.php ?rubrique7 consultée en octobre 2010

7  Bonnin propose ainsi de définir le réseau écologique comme l’ensemble des milieux qui permettent d’assurer la conservation à long terme des espèces sauvages sur un territoire, impliquant le maintien d’un réseau cohérent d’écosystèmes naturels et semi-naturels (Bonnin, 2007).

8  Sous le titre, « Une vision partagée pour la biodiversité », on peut lire en annexe du rapport de synthèse du groupe 2) « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » du Grenelle Environnement : « La conservation de la biodiversité ne peut ainsi plus se réduire à la protection d’espèces sauvages et de milieux naturels dans des aires protégées. Elle doit sauvegarder les grands écosystèmes de la planète, appréhendés comme la base et le support de notre développement. « Il ne s’agit donc plus de geler une nature sauvage, maintenue dans son état primitif, à l’abri des interventions humaines. Au contraire, il faut préserver la capacité évolutive des processus écologiques » (Le Grenelle Environnement, 2007 : 29) La dernière phrase de la citation est extraite de : Larrère C., Larrère R., 1997. Du bon usage de la nature. Pour une philosophie de l’environnement, Aubier, Paris.

9  Le Comité opérationnel Trame Verte et Bleue du Grenelle de l’environnement souligne la dimension multiscalaire du concept de réseau écologique : « Le territoire étudié se situe à un certain niveau dans l’emboîtement des échelles territoriales, du local à l’international. Une trame verte et bleue peut aussi bien exister à une échelle continentale, qu’à une échelle nationale, régionale, intercommunale ou communale. Les trames vertes et bleues des différents niveaux territoriaux s’articulent de façon cohérente : chacune apporte une réponse aux enjeux de son territoire en matière de biodiversité et contribue à répondre aux enjeux des niveaux supérieurs. » (COMOP TVB, 2010 : 12)

10  Un rapport du Conseil Economique et Social consacré à la « nature en ville » mentionne qu’une majorité des maires de France demeuraient hostiles à la densification du tissu urbain, mais seraient plus favorables à la création de parcs de proximité pour les habitants (CES, 2007 : 96).

11  « Dans une étude des facteurs de risques de décès des personnes âgées résidant à domicile durant la vague de chaleur d’août 2003, l’Institut de veille sanitaire (INVS) confirme que les villes denses sont plus vulnérables aux fortes chaleurs que les villes vertes » (Boutefeu, 2007).

12  L’analyse approfondie des pratiques socio-spatiales des individus et des ménages indique ainsi que la part de mobilité produite par les habitants des villes centres, pour des déplacements de loisir le week-end, est nettement plus importante que celle produite par les résidents des zones périphériques à revenu identique, les familles vivant en ville dense aspirant davantage à s’échapper le week-end, ce qui diminue les effets positifs de la ville compacte sur la consommation kilométrique automobile (Orfeuil & Solleyret, 2002).

13 « L’effet rebond est généralement défini comme une réduction des gains de l’efficacité (typiquement énergétique) due à une réallocation des économies réalisées en vue d’une consommation accrue » (Schneider, 2009 : 198).

14  Alors que les facteurs techniques (contenu en CO2 de l’énergie consommée, mais surtout l’intensité énergétique) ont nettement joué dans le sens d’une baisse des émissions, les facteurs économiques (la surface occupée par personne dans le cas des émissions résidentielles et la distance parcourue par personne pour celles de la voiture individuelle) et démographiques ont en revanche tiré les émissions vers le haut.

Dans les deux cas (voiture et chauffage), on est en présence d’un effet rebond, situation dans laquelle l’amélioration de l’efficacité environnementale dans l’utilisation d’une ressource ou d’un équipement est compensée, totalement ou en partie, par un usage accru de cette ressource ou de cet équipement. Ici, la baisse de la consommation moyenne par kilomètre parcouru ou par mètre carré abaisse le prix de chaque kilomètre parcouru ou de chaque mètre carré chauffé, de telle sorte qu’elle permet une augmentation du confort ou de la mobilité à un coût équivalent (dans le cas des émissions résidentielles, cette évolution a été influencée aussi par la baisse du nombre moyen de personnes par ménage). » (CGDD, 2010 : 7)

15  Les îlots de fraîcheur créés par des programmes de végétalisation accrue ont déjà montré leur performance sur le microclimat urbain (Ouranos, 2010).

16  Cf. à titre d’illustration les travaux du projet « Chaleurs Urbaines » (École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble) [http://www.grenoble.archi.fr/chaleursurbaines] ou ceux du projet de recherche « Formes urbaines, modes d’habiter et climat urbain dans le périurbain toulousain. Projet exploratoire de recherche interdisciplinaire », conduit dans le cadre du programme PIRVE (Programme Interdisciplinaire de Recherche Ville et Environnement – APR 2008).

17  Un exemple facilement identifiable est celui du phénomène d’embourgeoisement associé à l’établissement de nouveaux éco-quartiers, lesquels proposent généralement de larges espaces verts dès la conception même du projet qui s’inscrit généralement dans un cadre de développement durable, entraînant un niveau de luxe élevé et de ce fait même, ciblant la partie relativement aisée de la population urbaine (Theys, 2007 ; CES, 2007).

18  Cet auteur propose de classer les différents enjeux couverts par la problématique du développement durable selon : 1) qu’ils ont trait directement au maintien des conditions de la reproductibilité de l’humanité, ce qui peut être rapproché des facteurs nécessaires pour « survivre ensemble » ; 2) ou qu’ils visent à l’amélioration de la qualité de la vie et du renforcement de l’équité sociale, environnementale et économique, ce qui peut se rapprocher des facteurs pour « vivre ensemble », voire « mieux vivre ensemble ».

Les initiatives se rattachant à « survivre ensemble » viseraient à remédier d’abord aux situations de développement non-durable, c’est-à-dire aux situations de crises ou de risques écologiques ou sociaux intolérables. Les actions pour « mieux vivre ensemble » tendraient davantage vers la définition collective d’avenirs souhaités/souhaitables, dans un souci d’amélioration de la qualité de la vie et de renforcement de l’équité sociale, environnementale et économique (Theys, 2000 : 255 et suivantes).

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Les approches utilisées dans les analyses de vulnérabilité des territoires et des populations face au changement climatique dans l’élaboration des politiques d’adaptation.
Légende Légende : L’approche « top-down » utilise le développement de modèles climatiques à partir de scénarios socioéconomiques projetés pour estimer les impacts sur les territoires, et les vulnérabilités qui en découlent (la vulnérabilité du territoire étant ici conçue comme un « point d’arrivée » de l’analyse). En prenant en compte les expériences passées et l’état de la capacité d’adaptation selon différents indicateurs (ressources économiques, infrastructures, technologie, équité…), l’approche « bottom-up » estime la vulnérabilité d’un territoire et de ses populations à partir de sa capacité adaptative (la vulnérabilité étant ici conçue comme un « point de départ »). Le recoupement des deux sources d’information doit permettre optimalement de fournir les informations nécessaires à l’élaboration de politiques d’adaptation.
Crédits Source : schéma adapté de Dessai et Hulme (2004).
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/11869/img-1.png
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Titre Tableau 1. Synthèse des croisements envisagés entre changement climatique et trame verte urbaine/végétalisation à différentes échelles urbaines
Crédits Crédit : François Bertrand, 2010
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Pour citer cet article

Référence électronique

François Bertrand et Guillaume Simonet, « Les trames vertes urbaines et l’adaptation au changement climatique : perspectives pour l’aménagement du territoire »VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 12 | mai 2012, mis en ligne le 04 mai 2012, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/11869 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.11869

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Auteurs

François Bertrand

Docteur en aménagement de l’espace et urbanisme, Ingénieur de recherche à l’UMR CITERES, membre associé de l’équipe "Construction Politique et Sociale des Territoires" (CoST-CITERES), Responsable du projet ADAP’TERR (APR GICC 2008), Maison des Sciences de l’Homme de Tours, 33 Allée Ferdinand de Lesseps BP 60449, 37204 TOURS cedex 03, France, Courriel : francois.bertrand@univ-tours.fr

Articles du même auteur

Guillaume Simonet

PhD en Sciences de l’environnement et Docteur en sociologie, chercheur associé à la Chaire d’études sur les écosystèmes urbains, Institut des sciences de l’environnement, UQAM ; Ouranos - Consortium sur les changements climatiques, Volet impacts et adaptation 550 Sherbrooke Ouest, Tour Ouest, 19e étage Montréal (Québec), H3A 1B9, Canada, Courriel : simonet.guillaume@ymail.com

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